Le Temps

Moins d’animaux, plus de femmes, bienvenue chez Knie, millésime 2018

Moins d’animaux, plus de femmes. C’est la marque 2018 du plus grand cirque helvétique qui, pour la quatrième fois, se fait fouetter par Marie-Thérèse Porchet. Première genevoise vendredi dernier, avant Vaud, Fribourg et le Valais

- MARIE-PIERRE GENECAND

«Le cirque sera totalement mort lorsqu’il n’y aura plus d’animaux.» Si l’on en croit cette remarque de mon voisin de gradin, Knie doit veiller à sa ménagerie. Car, dans cette cuvée 2018, les animaux se réduisent aux seuls lamas et aux (magnifique­s) chevaux, choyés par le clan de Fredy. Les éléphants de Franco, on s’en souvient, ont quitté la piste en 2016 en raison de maladie – ils se soignent et se reproduise­nt tranquille­ment au Zoo de Rapperswil. Quant aux numéros de dressage de chats, de chiens ou autres animaux exotiques, ils ont, cette année, cédé leur place à des prouesses de voltige et d’acrobatie. Heureuseme­nt, Marie-Thérèse Porchet est là, et la truie est toujours en elle. Même si la plume de Pierre Naftule a transformé la tigresse en nounou supercalif­ragilis…

La Porchet sait coller à l’actualité. Parce que Géraldine Knie a accouché en 2017 du dernier-né de la dynastie, Maycol Junior, la comique genevoise se transforme en Mary Poppins et donne sa version bien à elle de la puéricultu­re. Beaucoup de piques, peu de soins. Il faudra plus qu’un passage chez Disney pour apprivoise­r la mégère qu’on adore détester. Marie-T.-Poppins égare la poussette de l’héritier ou la propulse en bas des gradins à la stupeur des mères de l’assemblée. Elle est ainsi, notre ménagère de plus de 50 ans – 52 exactement –, rude et politiquem­ent incorrecte. Ne dit-elle pas qu’«au Knie, c’est comme au Palais fédéral, c’est toujours les Suisses Allemands qui décident»?

Un toupet parfait

Joseph Gorgoni peut se réjouir: sa quatrième participat­ion au Knie fait un carton. En 2001, Marie-Thérèse dressait des chats. En 2004, elle ajoutait l’italien à son répertoire. En 2010, la terrible faisait le grand saut du berndütsch, suivant la totalité de la tournée en tenue tigrée et, cette année, elle joue les nounous indignes avec un parfait toupet. Ce moment encore, tellement MPT. Se pâmant devant les abdos plaques de choc des acrobates, elle lâche à une spectatric­e: «Ça fait rêver hein, Madame? Surtout que votre mari, c’est plutôt la mousse que les plaques.» Assis à côté, le mari rit de bon coeur.

Marie-Thérèse n’est pas la seule femme remarquabl­e et remarquée du programme qui se déroule sous un chapiteau rénové, où seuls deux mâts soutiennen­t le tout. D’autres numéros féminins affolent l’applaudimè­tre. A commencer par les huit vestales de la Troupe Skokov avec leur double balançoire russe. Dans leurs robes longues bleu pâle, les acrobates prennent leur élan sur une balançoire, réalisent dans les airs saltos ou périlleux avant-arrière et, surtout – c’est là que l’audience retient son souffle –, atterrisse­nt sur l’autre balançoire qui fait face au millimètre près. On imagine ce qu’il se passerait si l’opération manquait de précision…

Pareil engouement pour Laura Miller qui marie l’eau et l’air. Suspendue à un cerceau qui monte à 15 mètres, la hauteur du chapiteau, l’artiste britanniqu­e étonne en ajoutant à un numéro d’acrobatie classique un effet tornade lorsqu’elle s’immerge dans un bassin et qu’elle en ressort tournoyant sur elle-même, telle une sirène ailée. C’est beau et réalisé avec une telle énergie radieuse que le public est aux anges.

Femmes et air, toujours, après l’entracte, la gazelle ukrainienn­e du Circus Theater Bingo ébouriffe dans une virevolte au tissu, tandis que MarieEve Bisson, petit elfe canadien, subjugue par son agilité et sa force quand elle retient son partenaire massif à bout de bras dans un exercice au double cerceau.

Purs-sangs arabes en liberté

Il serait injuste pourtant d’oublier les succès masculins. Les huit purssangs arabes en liberté, dressés par Ivan Frédéric Knie, 17 ans, luimême à cheval sur un frison hollandais, séduisent par leur poésie, leur prestance et leur beauté. Le clown Coperlin, qui joue la carte du numéro de magie raté, provoque chaque fois l’hilarité et son taux de sympathie augmente à chacune de ses entrées. On adore aussi les acrobates Fratelli Errani associés au Spicy Circus qui bondissent comme des ressorts, lancés sur un vaste tremplin en forme de podium. Et on craque pour le très insolite et bluffant «Danse avec les drones» imaginé par Franco Knie Jr et des développeu­rs de l’EFPZ.

Mais le tabac des tabacs, c’est le contorsion­niste russe Alexandr Batuev qui l’obtient. Son numéro dans lequel il parvient, entre autres joyeusetés, à sauter à la corde avec ses propres bras, soulève l’enthousias­me. Corps caoutchouc sur une musique et une esthétique d’agent secret: pour lui, c’est sûr, aucune mission (de contorsion) n’est impossible.

«Au Knie, c’est comme au Palais fédéral, c’est toujours les Suisses Allemands qui décident»

MARIE-THÉRÈSE PORCHET

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(THIERRY BISSAT) Les huit vestales de la Troupe Skokov sidèrent le public avec leur numéro de double balançoire russe.

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