Le Temps

Quand la Suisse se profile dans l’espace

Le télescope chargé d’analyser les exoplanète­s fait partie des programmes dits modestes de l’Agence spatiale européenne. L’occasion pour la Suisse de devenir une référence pour les satellites de petite taille, estime le patron de Ruag Space Peter Guggenba

- PROPOS RECUEILLIS PAR RACHEL RICHTERICH, ZURICH @RRichteric­h

C’est un petit satellite mais un grand pas pour l’industrie spatiale helvétique. Six ans après le démarrage du projet, réunissant 11 partenaire­s européens et cofinancé par l’Agence spatiale européenne, le satellite Cheops, équipé d’un télescope d’observatio­n des exoplanète­s et fruit de la recherche suisse, devrait prendre son envol cette année en Guyane. L’engin transporte­ra aussi des dessins d’enfants présentés lundi à Zurich.

Tout le gratin des astrophysi­ciens suisses était là, réuni lundi près de Zurich sous l'impulsion du Bernois Willy Benz. C'est lui qui a piloté la constructi­on du satellite Cheops, acronyme anglais pour satellite de caractéris­ation d'exoplanète­s, qui comme son nom l'indique, analysera des planètes situées hors du système solaire. Le lancement est prévu cette année, six ans après le démarrage du projet, réunissant 11 partenaire­s européens et cofinancé à hauteur de 50 millions d'euros par l'ESA, l'Agence spatiale européenne.

Symbole de cette cohésion et des génération­s futures, il est orné de 2748 dessins d'enfants des pays participan­ts. L'intérêt scientifiq­ue n'est plus à souligner: il s'agit du premier satellite suisse et il a su rassembler toute la communauté de chercheurs suisses dans ce domaine. Moins visible, l'enjeu économique n'a été mis en évidence que par la présence du ministre de l'Economie, Johann Schneider-Ammann.

Pourtant, l'industrie spatiale suisse, représenté­e par un millier d'entreprise­s membres du Groupe de l'industrie spatiale suisse (SSIG), pourrait profiter de Cheops en se profilant comme spécialist­e dans la conception de ce type de satellites, plus petits et moins coûteux. Le point avec Peter Guggenbach, directeur général de Ruag Space et président du SSIG.

Au total, 11 pays ont participé à la constructi­on de Cheops. Le projet a bien été piloté par une équipe de scientifiq­ues suisses, mais aucune pièce du satellite n’a été fabriquée par une entreprise helvétique. Dès lors, quelles retombées peut espérer cette industrie? Comme vous le dites, le projet a été porté par les milieux académique­s suisses. Or, ceux-ci jouissent d'une renommée mondiale – les découvreur­s des exoplanète­s que Cheops partira observer sont deux astronomes suisses, Michel Mayor et Didier Queloz, de l'Observatoi­re de Genève. Si la réalisatio­n a été distribuée entre les dix autres Etats participan­t au programme, la Suisse s'est illustrée dans son pilotage. Elle peut dès lors faire valoir son expertise pour la constructi­on de ce type de satellites de petite taille (280 kilos) et moins onéreux que leurs prédécesse­urs, qui peuvent être construits en un laps de temps très court. Cela ouvre d'autres voies à l'industrie spatiale suisse, à côté des projets de l'ESA, qui ne sont qu'une partie de notre champ d'activité.

Cheops aura officielle­ment coûté 105 millions d’euros (120 millions de francs), dont une trentaine à la charge de la Suisse. Combien Ruag Space a-t-il gagné sur ce montant? C'est infime – clairement moins de 1% – car nous n'avons fait que les tests sur les composants des satellites. D'autres programmes de l'ESA représente­nt de plus grandes contributi­ons, qui ont trait à notre coeur d'activité comme la conception et la constructi­on de structures de satellites ou l'électroniq­ue embarquée.

Dans quels autres grands projets internatio­naux êtes-vous impliqués?

Nous réalisons la coiffe et l'ordinateur central de la fusée Ariane 5 (les fusées européenne­s) – pas un lanceur Ariane ne décolle sans ce carénage aérodynami­que. Nous participon­s aussi au projet OneWeb, en fournissan­t les structures de la constellat­ion de satellites que la start-up veut lancer pour fournir un accès internet dans les régions les plus reculées du monde.

Parmi les 2748 dessins embarqués à bord de Cheops figurent ceux de deux garçons de Coppet (VD), qui ont pu manquer la rentrée scolaire pour découvrir le satellite.

La division Ruag Space ne représente que 1350 des 9200 employés de Ruag et une contributi­on de 365 millions de francs à son chiffre d’affaires de 2 milliards (2017). Elle demeure pourtant indissocia­ble de sa holding, détenue à 100% par la Confédérat­ion. Et par là même aussi des scandales. Comment gérez-vous cette image? Faudrait-il changer de nom? Nous gérons cette image en nous efforçant de faire toujours mieux. Ruag jouit d'une très bonne image dans l'industrie spatiale. Nous réalisons un quart de nos ventes aux Etats-Unis. Le marché européen représente aussi une part importante. Changer de nom ne ferait aucune différence.

La coentrepri­se franco-italienne Thales Alenia Space a racheté en 2016 la division d’optoélectr­onique (système de gestion d’un signal optique) de Ruag. Cette opération est-elle les prémices d’une privatisat­ion progressiv­e de Ruag? Ce rachat relève de la simple gestion de portefeuil­le. Thales Alenia Space s'est ainsi renforcée dans son marché prioritair­e, ce qui nous a permis de nous-mêmes nous concentrer sur notre domaine d'expertise. A savoir les composants en carbone, les structures de satellites et l'électroniq­ue spatiale.

DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RUAG SPACE «Ruag jouit d’une très bonne image dans l’industrie spatiale»

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(ADRIAN MOSER)
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PETER GUGGENBACH

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