Le tueur de Daillon ne se souvient de rien
L’homme qui a tué trois personnes et blessé deux autres en janvier 2013 dans le hameau valaisan faisait face à ses juges ce lundi. Il a totalement évacué de sa mémoire cette fusillade et estime «n’avoir fait de mal à personne»
L’émotion est palpable ce lundi dans la salle d’audience du Tribunal d’Hérens-Conthey. Plus de cinq ans après les faits, le tueur de Daillon fait face à ses juges. Au soir du 2 janvier 2013, l’homme, aujourd’hui âgé de 39 ans, a ouvert le feu dans le hameau valaisan, tuant trois personnes – trois femmes – et en blessant deux autres. Mais Florian B. ne semble pas comprendre ce qu’il fait là, sur le banc des accusés.
Les souvenirs qu’il a de cette soirée d’horreur sont quasi inexistants. Lorsque Christophe Pralong, le président du tribunal, le questionne à ce sujet, Florian B. répond calmement qu’il se souvient d’avoir tiré en l’air, mais qu’il «n’a fait de mal à personne». Il ajoute: «Je ne pense pas que c’est moi qui ai tiré.» Le dossier prouve pourtant le contraire et le rappel des faits, que fera la procureure par la suite, fait froid dans le dos.
Durant l’enquête, l’accusé a même évoqué, à plusieurs reprises, cette fusillade de manière beaucoup plus précise. Il a également déclaré regretter d’avoir ouvert le feu. Mais cela non plus, il ne s’en souvient pas. Pour l’accusé, cette fusillade n’a jamais eu lieu. Il ne croit tout simplement pas aux accusations portées contre lui.
«Je ne saurais pas quoi leur dire»
Lorsque le président de la cour lui demande s’il a quelque chose à dire aux familles des victimes, le prévenu rétorque laconiquement: «Je ne saurais pas quoi leur dire.» Florian B. n’éprouve ni remords ni regrets. Il retourne à sa place, le regard hagard et la démarche hésitante, à la suite d’un AVC. Il écoutera le reste de l’audience, sans broncher.
L’amnésie de l’accusé au sujet de la fusillade fait bondir les avocats des familles des victimes. Tous, ou presque, s’en étonnent. Car lorsqu’il évoque d’autres moments ou d’autres faits de sa vie, Florian B. retrouve la mémoire. Me Béatrice Pilloud, l’avocate de la famille d’une des trois personnes décédées, est stupéfaite que le prévenu ait su donner au président du tribunal la valeur exacte de son appartement, selon la police d’assurance, alors que personne d’autre dans la salle ne pourrait en faire de même. Pour Me JeanLuc Addor, qui défend deux victimes, c’est la précision avec laquelle Florian B. a décrit son traitement qui interpelle. Lors de son interrogatoire par Christophe Pralong, le prévenu a en effet donné le nom du neuroleptique qu’il prend et de son générique.
L’amnésie de l’accusé au sujet de la fusillade fait bondir les avocats des familles des victimes. Tous, ou presque, s’en étonnent
Les familles des victimes présentes dans la salle ont les yeux rougis et les larmes qui coulent sur leurs joues. Cinq ans et demi après le drame, elles attendent des réponses et elles n’en auront pas. Pour Me Béatrice Pilloud, qui n’a pas pu retenir ses larmes lors de sa plaidoirie, «tous les éléments qui permettent de se reconstruire font défaut». Il n’y aura jamais de reconnaissance des faits, jamais d’excuses, jamais de regrets et jamais de coupable.
Irresponsable selon les experts
Les experts considèrent en effet que Florian B. était irresponsable au moment des faits. Deux expertises ont constaté d’importants troubles de schizophrénie paranoïde chez le prévenu, persuadé d’avoir été volé à la naissance par ses parents. La procureure Catherine Seppey se base sur ces conclusions pour son réquisitoire. Elle reconnaît que Florian B. est bel et bien un assassin. Elle soulève la façon d’agir de l’accusé, «atroce, brutale et particulièrement odieuse». Mais malgré cela, il ne peut pas être reconnu coupable. Sa santé mentale ne le permet pas. Il a commis ces actes en état d’irresponsabilité. La procureure préconise donc un traitement institutionnel en milieu fermé, sans limite maximale et renouvelable de cinq ans en cinq ans, jusqu’à ce que le traitement ait des effets. Chose rare, la défense partage l’avis du ministère public.
Les avocats des familles des victimes ne se font guère d’illusions. Ils savent qu’il y a de fortes chances que la cour suive les avis des experts et que Florian B. soit jugé irresponsable. «Mais il y a une marge de manoeuvre pour le tribunal», a lancé Carole Seppey, avocate de la famille d’une victime, lors de sa plaidoirie. Plusieurs de ses confrères l’ont suivie. Ils estiment qu’un internement serait plus pertinent. Pour Jean-Luc Addor, c’est même «le minimum syndical, compte tenu de la dangerosité de l’accusé». Tous craignent pour la sécurité de la société. Ils veulent éviter à tout prix que Florian B. ne récidive. Aujourd’hui, pour Me Jean-Luc Addor, une seule question se pose: «Quand est-ce qu’il va sortir?»
Les juges rendront leur verdict jeudi à 14 heures.
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