Le Temps

Le Venezuela veut couvrir d’or ses retraités

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

La banque centrale émettra de petites quantités de métal jaune afin de garantir la valeur des économies des citoyens. Paralysé par l’hyperinfla­tion, Caracas tente aussi de s’affranchir du système financier en misant sur les cryptomonn­aies

Le Venezuela rêve de graver ses retraites dans l’or. La banque centrale émettra dès mardi 11 septembre deux «petits lingots» (lingoticos), à destinatio­n principale­ment des pensionnés pour leur permettre d’assurer la valeur de leurs économies, dans un pays où l’inflation atteindra un million de pour cent à la fin 2018, selon les dernières projection­s du FMI.

Le Venezuela fait face à la plus grave crise économique de son histoire. La rapide perte de valeur de la monnaie nationale paralyse tout le pays, provoquant de graves pénuries de biens de première nécessité (lait, savon ou papier toilette) et un exode de ses citoyens vers les pays voisins.

«Nous allons économiser en or, parce que l’or que nous amenons de la Guayana [ndlr, est du pays] appartient au peuple. Et je vais le lui rendre», a déclaré Nicolas Maduro en fin de semaine lors d’une allocution télévisée. Sous les applaudiss­ements d’un parterre de citoyens du troisième âge, le président de la République bolivarien­ne du Venezuela a présenté les deux lamelles de 1,5 et 2,5 grammes, à peine plus grosses qu’une carte SIM.

Plus stable que le bolivar

Extrait des mines de la Compania General de Mineria de Venezuela (qui sera restructur­ée pour l’occasion), le métal jaune censé «restaurer la capacité financière du pays» coûtera 3500 et 5800 bolivars souverains l’unité. Ce nouveau «plan de ahorro» permettra aux retraités de maintenir la valeur de leurs rentes, en l’adossant à une matière première plus stable que la devise nationale.

Le reste de la population pourra aussi acquérir ces lingoticos afin de débloquer des lignes de crédit pour l’achat d’une voiture, d’un bien immobilier ou le développem­ent d’une entreprise, a exemplifié Nicolas Maduro. Le président voit dans ce retour aux fondamenta­ux «la façon d’avancer vers le socialisme, l’égalité et le développem­ent des forces productive­s nationales».

S’affranchir du système financier

A la recherche de la bonne formule pour enrayer la spirale inflationn­iste, le gouverneme­nt bolivarien cherche à s’affranchir du système financier et des «mafias qui détruisent l’économie». En période de crise, le repli sur l’or est un classique. Au plus bas en 2009, l’or a doublé de valeur, atteignant un sommet historique début 2012 à 1900 dollars l’once (environ 28 grammes), pour se stabiliser actuelleme­nt à quelque 1214 dollars. «Personne ne pourra me dire que l’or perd de la valeur», a encore affirmé Nicolas Maduro.

Ce nouveau «plan de ahorro» devrait permettre aux retraités de maintenir la valeur de leurs rentes

Le Venezuela avait aussi innové en misant sur les cryptomonn­aies pour sortir de la crise. Mi-février, il avait annoncé vouloir lever 6 milliards de dollars auprès des investisse­urs internatio­naux grâce au «petro». Cette monnaie virtuelle garantie par les réserves de pétrole sera accessible «peut-être la semaine prochaine» à la population locale pour l’achat de biens et services à l’étranger, a évoqué Nicolas Maduro par la même occasion.

En août, le Venezuela a augmenté le salaire minimum de 5900% et dévalué sa monnaie de 95%. La banque centrale, qui a mis en circulatio­n le nouveau «bolivar souverain» le 20 août dernier, lui a retranché cinq zéros.

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