La course à la présidence de l’USS
Pierre-Yves Maillard fait figure de favori pour reprendre la présidence de l’USS. Mais Marina Carobbio et Barbara Gysi se dressent sur sa route. Et la centrale syndicale ne pourra pas s’épargner un débat sur la représentativité des femmes à sa tête
Le favori, c’est Pierre-Yves Maillard. Mais il devra se méfier dans la course à la succession de Paul Rechsteiner à la tête de l’Union syndicale suisse (USS). Davantage que le prometteur, mais encore très jeune Mathias Reynard (30 ans), deux femmes pourraient jouer le rôle de trouble-fête le 1er décembre prochain: la Tessinoise Marina Carobbio et la Saint-Galloise Barbara Gysi.
C’est certain: avant de couronner le tribun vaudois, l’USS ne pourra pas s’épargner un débat sur la question de la représentativité des femmes dans ses sphères dirigeantes. Les statuts prévoient un quota de 33%, qui est actuellement respecté. Mais la présidence est un poste clé pour lequel les femmes veulent se battre. «Nous nous devons d’être cohérents avec le discours d’égalité et de promotion des femmes que nous tenons. L’heure de nommer une femme est venue», note Maria Bernasconi, ex-conseillère nationale et secrétaire générale de l’Association du personnel de la Confédération (APC).
Un problème de timing pour Marina Carobbio
Elles déclarent qu’elles réfléchissent encore, les deux candidates qui ont été auditionnées le 24 août dernier. Marina Carobbio est désormais bien connue à Berne. Elle est arrivée sous la Coupole en 2007 où, de par sa profession de médecin, elle s’est spécialisée dans la santé. Mais celle qui est aussi vice-présidente du PSS n’a pas négligé les thèmes relatifs au travail. Membre de longue date du SSP-VPOD, elle s’est toujours engagée pour un service public fort et la défense des travailleurs, en particulier des femmes dont l’emploi est de plus en plus précarisé. Elle a aussi présidé l’Association suisse des locataires (Asloca) durant six ans.
La Tessinoise a pourtant un problème de timing. En tant qu’actuelle vice-présidente du Conseil national, elle accédera au perchoir de la Chambre basse en décembre prochain. Or, nombreux sont ceux qui pensent que les deux fonctions sont incompatibles. D’une part en raison de la charge de travail qu’elles représentent et d’autre part en raison du positionnement politique qu’elles impliquent. En tant que présidente du National, Marina Carobbio représen- tera l’ensemble du parlement sans esprit partisan. En tant que présidente de l’USS, elle devrait en revanche se montrer beaucoup plus combative.
«Lorsque j’ai été contactée par les syndicats, j’ai tout de suite averti que j’allais devenir présidente du Conseil national, confie-t-elle. En ce moment, c’est à l’USS de voir s’il y a des solutions intérimaires possibles qui me permettraient de passer cette phase transitoire d’un an.»
Barbara Gysi pour la parité à l’USS
Si Marina Carobbio (52 ans), qui avait été candidate à la succession de Micheline Calmy-Rey au Conseil fédéral, est une figure en vue à Berne, Barbara Gysi (54 ans) l’est un peu moins. En revanche, elle connaît les milieux syndicaux de l’intérieur: elle préside l’Union syndicale de SaintGall et l’APC. Cette assistante sociale, également vice-présidente du PSS, est conseillère nationale depuis 2011.
Elle aussi précise qu’elle se trouve dans une phase de réflexion. «Je suis intéressée par la fonction. Il faut que la tête de l’USS se féminise. L’actuel quota de 33% n’est pas suffisant. Nous devons parvenir à la parité.» Un discours d’égalité qu’elle ne cesse de marteler au Conseil national, notamment dans le dossier de l’AVS. «Il n’y aura pas de hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans si l’égalité des salaires n’est pas réalisée», affirme-t-elle.
Si les deux femmes sont combatives et déterminées, elles partent toutes deux avec un handicap de départ: la double fonction pour la Tessinoise et l’origine régionale pour la Saint Galloise, qui vient du même canton que le président sortant Paul Rechsteiner. Dans ces conditions, la seule manière d’assurer la présence d’une femme à la tête de l’USS consisterait à proposer une direction bicéphale.
Une direction bicéphale?
Cela ne serait pas nouveau: de 1994 à 1998, Christiane Brunner et Vasco Pedrina avaient assumé conjointement ce mandat. Mais le contexte était alors totalement différent. Au seuil d’une fusion historique devant déboucher sur la naissance d’Unia, la Genevoise et le Tessinois s’étaient partagé le pouvoir, l’une à la tête du syndicat de la métallurgie (FTMH) et l’autre à celle du syndicat de l’industrie et du bâtiment (SIB). Beaucoup avaient alors craint un affrontement stérile entre deux cultures, l’une réputée modérée et l’autre plus combative, mais tout s’était bien passé. «Nous nous sommes très bien entendus», se rappelle aujourd’hui Christiane Brunner. Mais celle-ci avertit: «Une coprésidence n’est pas facile. Il faut vraiment que les deux personnes se connaissent bien et aient envie de diriger l’USS ensemble.»
Faut-il une femme à la tête de l’USS? A cette question, Christiane Brunner ne peut pas répondre. «Je ne connais pas suffisamment les candidates en lice.» Par contre, c’est elle qui à l’époque a engagé Pierre-Yves Maillard pour en faire un secrétaire régional de la FTMH et qui dit aujourd’hui: «Pour occuper cette fonction, il faut être à la fois combatif et apte à faire des petits pas. Au Conseil d’Etat vaudois, Pierre-Yves Maillard appris à en faire.» ▅