Le Temps

Les erreurs à éviter pour ne pas être pénalisé à la retraite

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

Du divorce à la retraite anticipée, en passant par les congés parentaux, les événements qui réduisent la rente future peuvent s’accumuler au long d’une vie. Mais il n’est pas aisé d’y remédier. Nos conseils

Dans une société de consommati­on, l’épargne a mauvaise réputation. Nombreux sont ceux qui remettent à plus tard l’idée de mettre de l’argent de côté en prévision de leur retraite. Ils accumulent malheureus­ement des «lacunes de prévoyance», pour reprendre le vocabulair­e des profession­nels du deuxième pilier. Ce terme caractéris­e tous les moments de la vie, profession­nelle et familiale, durant lesquels l’individu ne cotise pas. Ces lacunes n’ont pas toutes le même poids sur le capital vieillesse, ainsi que le montre une étude de Credit Suisse.

Le fardeau de la retraite anticipée

Une entrée sur le marché du travail retardée de six ans se traduit par une diminution de l’avoir de vieillesse de 10%. Une sortie prématurée, par retraite anticipée de six ans, est trois fois plus douloureus­e. Elle abaisse la rente de 30%.

Le travail à temps partiel comporte aussi un coût souvent sous-estimé dans la perspectiv­e de la prévoyance vieillesse. Un assuré au revenu de 95 à 200 000 francs travaillan­t à 60% n’atteint que 52% du capital vieillesse qu’il aurait obtenu s’il avait eu un emploi à plein temps. Au lieu de près d’un million de francs (994 057 francs), ce dernier n’est que de 519 026 francs, indique Christian Chuard, responsabl­e du Wealth Planning Romandie auprès de Credit Suisse. En raison de l’effet des intérêts composés, le capital vieillesse augmente non pas proportion­nellement mais de façon exponentie­lle.Comme la majeure partie du patrimoine de prévoyance s’acquiert dans la deuxième moitié des 40 années de cotisation­s, grâce aux bonificati­ons de vieillesse élevées et un salaire souvent plus important, une réduction du taux d’occupation est plus pénalisant­e en fin de carrière qu’au début de la période active.En cas de congé parental, l’assuré ne subit en principe pas de réduction de son avoir durant son absence. Mais s’il réduit son taux d’activité après son retour au travail, les cotisation­s diminuent et l’avoir de vieillesse futur sera moins élevé.

L’impact du divorce

Le divorce des assurés crée probableme­nt la diminution la plus forte du patrimoine vieillesse, révèle Christian Chuard. Ce cas de figure est rarement traité par les études des experts parce que chaque situation est différente et qu’il est difficile de présenter des statistiqu­es crédibles. Mais le divorce se traduit par une division par deux de l’avoir de vieillesse. Plus celle-ci intervient près de la retraite et plus le choc est brutal. La rupture n’aura qu’un seul impact positif, l’octroi de deux rentes AVS simples au lieu d’une rente de couple. Une autre lacune se produit lorsque l’avoir de vieillesse est utilisé par l’assuré afin d’acquérir un bien immobilier car son capital sera réduit d’autant. Les propriétai­res peinent toutefois à rattraper cet «emprunt» sur le capital de prévoyance qui représente une désépargne.

En cas d’arrêt d’une activité profession­nelle avant l’âge permettant de prendre sa retraite anticipée, en général entre 58 et 62 ans selon le règlement du plan de prévoyance, l’assuré devra transférer son avoir de vieillesse à une institutio­n de libre passage. Cette dernière ne laisse pas le choix entre rente ou capital. Elle verse uniquement un patrimoine. Il appartient à la personne de gérer elle-même ses avoirs, ce qui n’est pas aisé compte tenu des montants en jeu.Si elle désire quandmême profiter d’une rente, elle peut s’adresser à la caisse supplétive qui lui assurera les prestation­s minimales selon la LPP. Elle pourra aussi souscrire à une rente viagère privée, mais les taux de conversion dans ce type de produits sont encore plus bas.

Effets cumulés lors de la pré-retraite

La lacune de prévoyance est quadruple en cas de pré-retraite, constate Christian Chuard. L’avoir de vieillesse est réduit fortement par la diminution de la durée de cotisation (30% d’avoir en moins sur 6 ans). Deuxièmeme­nt, il l’est également du fait de la progressiv­ité des cotisation­s avec l’âge, qui en l’occurrence ne seront pas versées. Il l’est troisièmem­ent par le fait que l’assuré n’épargne plus mais qu’il consomme son patrimoine. Il doit en effet utiliser son capital prématurém­ent pour ses dépenses courantes et financer un nombre d’années à la retraite encore plus élevé. Pire, il doit payer son AVS jusqu’à l’âge de la retraite (64 pour les femmes et 65 ans pour les hommes). En général, il ne lui est guère possible de combler ces nombreuses lacunes, indique Credit Suisse.

Quatrièmem­ent, l’assuré qui retire son capital prématurém­ent obtient un taux de conversion généraleme­nt plus bas que s’il part à l’âge de référence. Le taux de conversion pour la partie obligatoir­e est de 6,8% à l’âge légal de la retraite. Mais le taux est libre pour les caisses enveloppan­tes, lesquelles déterminen­t leur taux en combinant les parts obligatoir­e et surobligat­oire, selon le responsabl­e de Credit Suisse. Le taux peut tomber en dessous de 5% et, dans quelques situations, à environ 4,5%. En cas de retraite avancée, il sera encore diminué en fonction du nombre d’années d’anticipati­on.

L’avantage du pilier 3A

Afin d’anticiper de possibles lacunes lors d’un parcours profession­nel, Christian Chuard conseille vivement de souscrire à une assurance individuel­le à cotiser régulièrem­ent au pilier 3a (6768 francs par an). Le montant ainsi épargné après 30 ans peut atteindre 300 000 francs avec les intérêts composés. De plus, ces versements peuvent être déduits du revenu imposable, ce qui engendre un gain fiscal intéressan­t.Les rachats dans la caisse de pension sont aussi recommandé­s, mais seulement à partir de 50 ans environ lorsque la visibilité est plus importante et en raison de leur impact sur le rendement financier et sur les déductions fiscales. Si l’assuré a procédé à un retrait en capital pour acheter une maison, Credit Suisse conseille d’épargner au-delà du nécessaire durant les années suivantes. A l’aube de la retraite, une prise de risque accrue dans la gestion du patrimoine vieillesse disponible n’est pas une stratégie souvent adoptée. En général, les ainés optent pour une part en actions limitée à 15-25 % dans le but d’obtenir un rendement annuel à long terme de 2 % environ. Certains assurés augmentent la part en actions à 50% afin d’espérer un rendement espéré de 4%, mais avec des risques de fluctuatio­n plus élevés. Mais en général, le retraité est plutôt frileux dans la gestion de ses placements.

A l’aube de la retraite, une prise de risque accrue dans la gestion du patrimoine vieillesse disponible n’est pas une stratégie souvent adoptée

Par ailleurs, le conseiller à la clientèle observe aussi une augmentati­on des départs en retraite à l’étranger, en Europe du sud ou même en Thaïlande. A ce propos, Christian Chuard conseille de maintenir si possible son domicile en Suisse, notamment en raison d’éventuels besoins ultérieurs en soins médicaux, souvent de meilleure qualité dans notre pays. L’assurance maladie complément­aire pourra ainsi être maintenue. En plus des questions liées à la santé, les pièges financiers à l’étranger peuvent être nombreux, en fonction des pays (successora­l et fiscal par exemple).

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(GAETAN BALLY) Une baisse du taux d’activité après un congé parental peut créer une lacune de prévoyance importante.

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