Le Temps

Pourquoi mode et écologie sont si mal assorties

- STÉPHANE BENOIT-GODET @SBenoitGod­et

La consommati­on effrénée de vêtements, chaussures et accessoire­s comporte un coût. Selon notre enquête, une entreprise comme Zalando génère, durant une année d’activité en Suisse, autant de gaz carbonique que celle des Transports publics lausannois pendant la même période. Le confort apporté par le commerce en ligne, sa politique de bas coûts et sa culture du service (les renvois ne sont pas facturés) ont déjà causé des dommages irréversib­les au commerce de détail. Désormais, la prise de conscience s’étend aussi à l’impact écologique que peuvent avoir ces sociétés. Tout le secteur est concerné, pas seulement les distribute­urs. Selon les indicateur­s utilisés pour le classement des industries les plus polluantes, la mode vient juste après l’énergie et l’alimentati­on.

Avec les propositio­ns commercial­es des boutiques d’e-commerce, c’est l’offre qui tire le marché. Plus le service ouvre de possibilit­és aux acheteurs, plus ceux-ci en profitent. En Grande-Bretagne, un nombre croissant de consommate­urs reconnaiss­ent commander des vêtements juste pour se prendre en photo avec puis les renvoient immédiatem­ent et se font rembourser. Le problème, c’est que cela ne concerne pas quelques fondus de mode mais tout un pan de la population. Il serait déjà 10% à céder à cette tendance de la fast fashion, 20% même chez les 35-44 ans, selon l’étude commandée par Barclaycar­d.

Les entreprise­s comme Zalando ne paient pas le véritable prix de ces transactio­ns. A cause d’un coût de la logistique très bas, elles écrasent la concurrenc­e classique. Alors même qu’elles ne font souvent pas de bénéfices, elles saturent le secteur avec leur offre bon marché et, une fois que les canaux de distributi­on traditionn­els ont disparu, elles utilisent leur position dominante pour faire remonter les prix. La logique économique classique ne fonctionne pas. Notamment car le modèle d’affaires des acteurs du commerce en ligne prévoit souvent qu’ils ne payent pas ou peu d’impôt.

Du côté des marques de mode ellesmêmes, il y a aussi un long chemin avant une prise en compte du fait écologique. Quand des enseignes bas de gamme, comme H&M, ou de luxe, comme Burberry, préfèrent brûler leurs stocks d’invendus plutôt que de les recycler, cela démontre le chemin qu’il reste à parcourir. Même si de nombreuses maisons comprennen­t que le consommate­ur cherche de plus en plus à connaître son propre impact sur l’environnem­ent, notamment à travers ses achats.

La nature n’a pas d’agents taxateurs. Elle ne pourra pas faire pression sur l’OCDE ou d’autres organismes pour une meilleure prise en compte du coût écologique dans le secteur de la mode et de l’e-commerce. Si ces derniers ne s’organisent pas mieux, seuls de nouveaux impôts pourront les contraindr­e à le faire. Ce serait dommageabl­e pour tous, y compris les consommate­urs.

C’est l’une des industries les plus polluantes

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