Le Temps

La lanterne rouge

- S. H. (LA LIBERTÉ)

Notre guide n’est pas une tête brûlée. Viktoryia Labunets enseigne la sécurité routière aux familles, pour le compte de Pro Velo. Alors, forcément, elle sillonne les rues de Fribourg avec du respect pour les règles de la circulatio­n, son casque vissé sur la tête. Mais la monitrice semble, elle aussi, prise au dépourvu en arrivant au carrefour proche de la chocolater­ie Villars. Comment faire sa place au milieu du trafic, sans le moindre feu qui fonctionne? Les occasions ne manquent pas, en pédalant dans la cité, de se faire de bonnes frousses.

Bandes cyclables en «morse»

Fribourg est au dernier rang du classement de Pro Velo, publié ce printemps. Elle serait la pire ville du pays pour les adeptes de la petite reine (sur les 34 localités évaluées). Au sein même du canton, le chef-lieu a reçu cette année le Pneu crevé de l’associatio­n cantonale, alors que Villarssur-Glâne obtenait le Rayon d’or. A Fribourg, les bandes cyclables sont en «morse». «Il n’y a pas de continuité», témoigne la Fribourgeo­ise d’adoption. Et les vélos sont tenus, bien souvent, de cohabiter avec les bus ou les piétons. La ville compte moins de 1 km de piste cyclable, séparée du trafic et réservée exclusivem­ent aux vélos. Elle possède, en revanche, 12,5 km de bandes cyclables (dessinées en traitillé et pouvant être empruntées par d’autres véhicules), 4,1 km de voies partagées avec les bus et 1,8 km avec les piétons.

Nous suivons la monitrice sur la route de la Fonderie, le long de l’Ecole des métiers. Pas question d’accélérer la cadence: la voie est ouverte aux piétons. Alors qu’un immense trottoir la borde. Ce n’est pas la place qui semble manquer. Le constat vaut pour d’autres artères, «qui sont régulièrem­ent rénovées», regrette Viktoryia Labunets. «Il y a eu des améliorati­ons ces dernières années. Mais il manque une vraie stratégie de développem­ent.» Elle évoque un problème de «mentalité». «A chaque chantier, par exemple, les cyclistes sont oubliés et livrés à eux-mêmes. Ils doivent improviser, contourner les barrières, et se mettre en danger.» Or, pas moins de 17 chantiers d’importance sont prévus cette année dans la ville.

Pierre-Olivier Nobs, directeur de la Mobilité, se dit conscient du problème: «Une améliorati­on est généraleme­nt possible, par exemple au niveau de la signalisat­ion. Le réflexe de systématiq­uement penser aux cyclistes en cas de chantier doit rapidement devenir la norme, ce qui n’était pas toujours le cas dans le passé.» Il rappelle toutefois que «les piétons, qui sont les plus vulnérable­s, sont systématiq­uement priorisés». Mais pour cet adepte de la mobilité douce, le sondage de Pro Velo s’appuie sur des ressentis hérités d’une autre époque. «Le Conseil communal n’a jamais été aussi convaincu de la pertinence de développer la mobilité douce», martèle-t-il en énumérant les mesures prises dernièreme­nt. «Mais notre système démocratiq­ue nécessite beaucoup de temps pour passer des projets à la réalité. Je partage autant la vision de Pro Velo que leur impatience», souffle-t-il.

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