Deux initiatives pour un leurre
MICHEL BARDE, GENÈVE
Les premiers sondages concernant les deux initiatives populaires fédérales sur l’agriculture approchent des scores soviétiques d’approbation. Quand on sait que la population active de ce secteur n’est que de quelque 3%, on mesure par là que le degré de connaissance du public des réalités du monde agricole est très faible. Il se fonde donc pour l’essentiel sur les titres aguicheurs de ces initiatives, à défaut d’en avoir lu et saisi les contenus. Parmi les facteurs qui mériteraient d’être relevés, il y a celui de la démographie: en quelque soixante ans, la population de la Suisse a doublé, passant de 4 à 8 millions d’habitants. Celle de la planète a triplé, de 2,5 milliards à 7,5 milliards. Il faut nourrir toutes ces populations, ce qui ne signifie pas qu’il faille le faire en épuisant la terre et les mers, ce qui serait pire que tout, mais montre que le contrôle des naissances et celui du rejet de CO2 dans l’atmosphère sont prioritaires. Alors que la Suisse importe déjà près de la moitié de son alimentation, vouloir introduire par ces initiatives des mesures qui conduiraient à une réduction de la production indigène, qui est de qualité, et donc à une augmentation des importations est un leurre qui ne fera qu’en augmenter les coûts et les prix. Les consommateurs iront alors grossir les rangs de ceux qui vont acheter hors frontière, en France voisine notamment. En deux ans, la «démocratie directe» a soumis, ou va soumettre, huit initiatives au vote populaire. Ce n’est pas ainsi qu’on va stabiliser le monde paysan et lui ouvrir les perspectives d’avenir qu’il demande légitimement.
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