A l’US Open, le show de Federer et Djokovic
Les deux hommes régalent depuis le début du tournoi new-yorkais. Ils ne sont plus qu’à un match de se rencontrer en quarts de finale et font plus que jamais figure de grands favoris pour la victoire
John Millman et João Sousa s’apprêtent à vivre un moment fort. Honnêtes joueurs de tennis professionnels âgés de 29 ans, l’Australien (ATP 55) et le Portugais (ATP 68) se sont qualifiés pour la première fois de leur carrière pour les huitièmes de finale d’un tournoi du Grand Chelem. Chacun de leur côté, ils exploreront ce lundi à New York un territoire inconnu lors d’un match forcément spécial pour eux.
Il le sera beaucoup moins pour leurs adversaires respectifs, Roger Federer et Novak Djokovic, qui déroulent leur virtuosité depuis le début de l’US Open tandis que les observateurs se demandent qui pourrait remporter le tournoi, sinon le Suisse, le Serbe ou Rafael Nadal qui jouait encore contre le Géorgien Nikoloz Basilashvili au moment de notre bouclage dimanche. Comme à la grande époque, comme si ces champions ne vieillissaient pas, comme si les blessures, les doutes et les remises en question les avaient épargnés, comme s’ils étaient là pour toujours.
Le point du tournoi
Durant le week-end, Roger Federer et Novak Djokovic ont profité des seizièmes de finale pour donner un récital au public toujours distrait et bruyant du dernier Grand Chelem de la saison. Contre le fantasque Nick Kyrgios, qui ne s’est pas trouvé d’arbitre pour lui remonter le moral lorsqu’il a vu le match lui échapper comme lors du tour précédent, le Bâlois a poursuivi son sans-faute (6-4 6-1 7-5). Il n’a toujours pas perdu le moindre set depuis le début du tournoi. Mais il n’en profite pas pour faire l’économie de l’effort, ni celle du spectacle: sur un échange mal emmanché, il a réussi ce qui restera sans doute comme le point du tournoi en contournant le filet pour tromper son adversaire australien, qui en est resté littéralement bouche bée.
De son côté, Novak Djokovic a livré une véritable démonstration face au Français Richard Gasquet (6-2 6-3 6-3), qui confessait après le match non pas sa défaillance mais la simple et terrible différence de classe qui le sépare du Serbe. «C’est le niveau ultime. La balle voyage à droite et à gauche très vite. Il ne fait jamais d’erreurs, il joue tôt en retour de service. La balle est au millimètre à chaque fois, elle est longue, elle est rapide…»
L’intéressé lui-même mesurait le sommet atteint sur le plan de la maîtrise. «C’est sans aucun doute mon meilleur match de la semaine, et une de mes meilleures performances de la saison sur dur. J’ai joué à un très haut niveau dès le premier point. Maintenant, je vais essayer de maintenir ce niveau de tennis et de concentration.» Il sait que, si la logique est respectée, il rencontrera Roger Federer dès le stade des quarts de finale. Et que ce face-à-face, comme pratiquement tous ceux qui les ont opposés depuis une dizaine d’années, serait une finale potentielle bien avant l’heure.
Le «Big Four» au complet
C’est comme si rien n’avait changé. Depuis 2005 et le début de la «cohabitation» des trois hommes en Grand Chelem, Rafael Nadal a remporté 17 titres, Roger Federer 16 (sur ses 20 au total) et Novak Djokovic 13, soit en tout 46 victoires sur les 55 levées disputées. En 2018, le Suisse s’est imposé lors de l’Open d’Australie, l’Espagnol à Roland-Garros, le Serbe à Wimbledon. Auquel des trois reviendrait l’US Open, voilà la seule question que se posaient les experts en début d’une quinzaine qui, pour la première fois depuis Wimbledon 2017, réunissait le «Big Four» au grand complet. Ne manque au début de la seconde semaine qu’Andy Murray, pas encore totalement remis d’une opération à la hanche et éliminé dès le deuxième tour.
Mais les autres sont aussi passés par des moments difficiles. De profonde remise en question. Roger Federer et Rafael Nadal sont
Aujourd’hui, Roger Federer se méfie de ce dont est à nouveau capable Novak Djokovic
revenus à leur meilleur niveau après une année 2016 partiellement gâchée par des blessures et une réorganisation de leurs priorités. Le Bâlois choisit, à 37 ans, ses tournois de manière à se laisser des périodes de récupération suffisantes pour être en pleine possession de ses moyens à chaque fois qu’il entre sur le court.
Le retour le plus spectaculaire est aujourd’hui celui du troisième larron. Au printemps, Novak Djokovic avait quitté Roland-Garros la mine déconfite, éliminé par Marco Cecchinato en quarts de finale. Il disait ne pas avoir envie de penser au tennis. Ne pas savoir s’il ferait une saison sur gazon. Il paraissait plus que jamais hanté par des démons qui, depuis l’apparition de problèmes à un coude et la disparition de sa rage de vaincre voilà deux ans, lui font la misère.
Le ménage dans l’entourage
Mais il a fini par jouer sur herbe. Et gagner Wimbledon. Et le tournoi de Cincinnati la semaine dernière pour devenir le premier joueur de l’histoire à compiler des succès dans chacun des neuf Masters 1000. Et le voilà à New York avec dans le regard la même détermination que lorsqu’il paraissait pratiquement imbattable, entre 2015 et mi-2016.
En arrière-plan, il y a eu le retour de son entraîneur historique Marian Vajda après un an de séparation, et le départ de son «conseiller spirituel» Pepe Imaz avec lequel il disait «travailler sur ses émotions» depuis environ deux ans. Controversé, parfois taxé de «gourou» dans le milieu, l’Espagnol prêchait l’amour et l’harmonie. Mais à ses côtés, l’ancien numéro 1 mondial n’a jamais évolué à son meilleur niveau.
Aujourd’hui, Roger Federer se méfie de ce dont est à nouveau capable Novak Djokovic. «Il a montré combien il est exceptionnel en gagnant Wimbledon. Je pense qu’il peut encore mieux jouer, qu’il en a encore sous le pied disons, ce qui est encore plus encourageant pour lui.»
Et inquiétant pour le Bâlois autant que pour la relève du tennis mondial, qui peine à émerger.
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