Accidents de personnes, parlons-en!
Le trafic CFF a de nouveau été interrompu ce lundi entre Allaman et Nyon. Le quotidien «24 heures» et les réseaux sociaux lèvent un tabou, celui consistant à juger qu’il faut être discret sur le sujet. Pour éviter le risque de contagion
Après un cas en gare de Rolle sur La Côte le 22 août dernier, un nouvel «accident de personne» a bloqué le trafic pendant plusieurs heures sur la ligne CFF Lausanne-Genève lundi en fin d’aprèsmidi. Un train avec 450 personnes à bord a été stoppé en gare de Gland (VD), interrompant puis perturbant la circulation des convois pendant une bonne partie de la soirée entre Allaman et Nyon.
L’«accident de personne» est la formule consacrée pour décrire un suicide ou une tentative de suicide sur les voies. Décidant au contraire qu’il fallait en parler clairement et lever le tabou du risque de contagion, le quotidien 24 heures a justement enquêté et publié mardi une pleine page sur le sujet. De leur côté, les CFF ont sorti une étude intitulée «Suicide sur les voies ferroviaires», qui fait état du plan de mesures destinées à prévenir ces actes désespérés, échafaudé dès 2013, indique le quotidien vaudois. Depuis, sur la ligne Villeneuve-Lausanne-Genève, ils ont localisé une série de sites dits «délicats» sur ce tronçon. Ils devraient commencer à poser du grillage le printemps prochain sur les lieux de ces «black spots» à «forte densité d’événements», nouvel exemple d’un vocabulaire très abstrait.
En attendant, dit 24 heures, «des voix se sont élevées pour questionner sur le risque de report des accidents de personnes en pleine gare, sous les yeux des autres usagers». Un de ses internautes juge que c’est «n’importe quoi», que «le problème ne sera jamais résolu» et que «celui qui veut se suicider ira ailleurs». «Encore du fric dépensé pour des trucs inutiles», ajoute-t-il. Il oublie du coup qu’une fatigue des usagers commence à se faire sentir, à l’instar de @fabfluckiger, qui a poliment tweeté, lundi vers 18h30: «Coucou @RailService CFF, qu’il y ait des problèmes imprévus je le comprends très bien, mais serait-ce trop demander de donner quelques informations sur les raisons d’une interruption TOTALE entre Nyon et Allaman et d’imaginer des solutions de remplacement? Merci.»
Un autre pendulaire valdo-genevois relate qu’il a entendu dans le train lundi soir: «C’est la faute de La Métairie à Nyon, qui se trouve tout près des voies», voix accusant la clinique de psychiatrie et de psychothérapie bien connue. Il est vrai que les usagers de la ligne Lausanne-Genève ont l’impression que «ces suicides se produisent souvent entre Coppet et Morges». Le constat est «partagé», dit-il, que «ça devient gentiment insupportable». Personnellement, rien qu’en 2018, il dit avoir «eu droit à un suicide à Genève-Cornavin, un à Neuchâtel, un à Morges, et deux ou trois vers Nyon-Gland».
Pendant ce temps, une internaute écrivait encore, ce lundi, de manière un peu maladroite: «Accident de personne en gare de Gland à 17h30. Encore un. Retards, annulations, un conducteur traumatisé de plus. Tuant au bout d’un moment!» Et sur la page Facebook du Temps, les commentaires sont nombreux qui accusent une société contemporaine hyper-compétitive épuisant les individus ou prônent de «tendre la main à ces personnes désespérées par des messages positifs». Un lecteur évoque notamment «une jeune Britannique qui avait suspendu des mots d’encouragement sur un pont où les suicides étaient fréquents et où de simples «you’re not alone» en avaient stoppé plus d’un».
Enfin, une usagère quotidienne de la ligne Lausanne-Genève écrit, résumant le sentiment général: «J’étais dans LE train. Et j’admets que c’est la première fois que j’ai eu du mal à dormir, me repassant la scène au ralenti dans ma tête toute la nuit. Ce matin, sur le quai, tout le monde ne parlait que de «ça», les visages glacés. Ça fait le troisième en deux mois.»
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