Le Temps

Entre Michelle Bachelet et l’Italie, déjà un bras de fer

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

Le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, réfute toute accusation de racisme et dit réfléchir à une réduction possible de la contributi­on italienne à l’ONU

Changement de patron au Palais Wilson à Genève et changement de gouverneme­nt italien. A priori, ces deux événements, qui ont eu lieu au début de septembre pour le premier et en juin pour le second, n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Et pourtant. Les propos de la nouvelle haut-commissair­e de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, dans son premier discours au Conseil des droits de l’homme (CDH) lundi ont suscité de violentes réactions en Italie. La Chilienne a annoncé son intention d’envoyer une de ses équipes dans la Péninsule pour faire le point sur la «forte augmentati­on d’actes de violence et de racisme dont sont victimes les migrants, les personnes d’origine africaine et les Roms».

Pas de leçon

Le ministre de l’Intérieur et fer de lance de la Lega, Matteo Salvini, a très peu goûté l’allocution: «Les Nations unies sont une organisati­on qui coûte des milliards d’euros et à laquelle l’Italie donne plus de 100 millions de cotisation­s par an.» Il promet déjà de réfléchir à réduire la contributi­on italienne aux Nations unies, un organisme qui gaspillera­it et détournera­it selon lui les deniers publics et «qui voudrait faire la leçon aux Italiens». Le ministre d’extrême droite estime que l’ONU devrait davantage s’occuper des pays qui torturent, qui persécuten­t les homosexuel­s et qui permettent les mariages «d’enfants».

Le chef de la diplomatie, Enzo Moavero Milanesi, estime que la haut-commissair­e n’aurait pas dû utiliser des vocables aussi «inappropri­és». Quant au journal de droite Il Giornale, titillé par l’ONG UN Watch, il fustige Michelle Bachelet qui, par le passé, aurait snobé l’opposition cubaine lors d’une visite au président cubain Raul Castro ou aurait fait l’éloge de Fidel Castro et d’Hugo Chavez.

Mardi, la sensibilit­é aux propos de Michelle Bachelet semblait moins à fleur de peau au CDH à Genève où l’ambassadeu­r d’Italie a souhaité les meilleurs voeux à la haut-commissair­e pour son nouveau mandat. Gian Lorenzo Cornado a notamment déclaré: «Nous continuons à nous engager à protéger les droits de l’homme des migrants et réfugiés. Mais nous plaidons aussi pour une gouvernanc­e internatio­nale et effective de la migration […]. L’Italie continue à sauver des migrants en mer. Depuis 2013, elle a réussi à venir au secours de plus de 300000 personnes en Méditerran­ée.»

Une visite en 2016

La réaction épidermiqu­e d’une partie des politiques italiens contraste avec la réaction de l’Allemagne. Dans son interventi­on au CDH, le représenta­nt allemand a adressé ses vifs encouragem­ents à Michelle Bachelet, promettant de garantir son indépendan­ce. Il a salué la clarté de ses déclaratio­ns sur la situation des droits de l’homme dans le monde, y compris sur les «événements préoccupan­ts» intervenus récemment à Chemnitz en ex-Allemagne de l’Est.

Quant aux experts du Haut-Commissari­at qui se rendront en Italie, ils n’auraient pas dû susciter un tel tollé. Ce type de démarche est habituel. En juin 2016, une telle équipe avait déjà enquêté dans la Péninsule. Le chef du gouverneme­nt était à l’époque Matteo Renzi, du Parti démocrate… ▅

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