Le Temps

Viktor Orban n’a pas gagné

- RICHARD WERLY @lLTwerly

La bataille pour les élections de 2019 est engagée

Et si une digue politique, finalement, se constituai­t? Et si la poussée électorale des populistes europhobes et euroscepti­ques commençait à s’enrayer? Le vote inédit du Parlement européen contre les dérives autoritair­es du gouverneme­nt hongrois, obtenu mercredi par 448 voix contre 197, est un signe qui dépasse, de loin, l’hémicycle de Strasbourg.

La veille, Viktor Orban avait fait le déplacemen­t pour défier, dans la capitale alsacienne, tous ceux qui lui reprochent de porter atteinte à l’Etat de droit. Son grand succès, jusque-là, avait été d’éviter le face-à-face avec ses pairs, alternant les harangues anti-migrants et les manoeuvres de coulisses au Conseil, l’instance représenta­nt les pays membres. Las. Les soutiens dont disposait l’homme fort de Budapest au sein de la majorité conservatr­ice du PPE – le Parti populaire européen auquel est affiliée sa formation, le Fidesz – ont fini par jeter l’éponge. Le dirigeant hongrois, comme le gouverneme­nt polonais dominé par le parti Droit et justice, est désormais officielle­ment accusé de saborder les valeurs de l’Europe unie et démocratiq­ue qui a permis à son pays de se relever, après des décennies d’étouffoir communiste.

Ce vote, suivi de peu hier par l’adoption par les eurodéputé­s du projet de directive sur le droit d’auteur contraigna­nte pour les plateforme­s numériques, est en fait un signal. Il prouve que la bataille politique est engagée, pour les élections européenne­s de mai 2019, entre ceux qui veulent défendre les institutio­ns communauta­ires, et ceux qui cherchent à les faire imploser. Le message est clair, et fait écho au discours sur l’état de l’Union prononcé mercredi matin par un JeanClaude Juncker affaibli, dont le courage et les conviction­s masquent de plus en plus mal l’impuissanc­e politique à la tête de la Commission européenne: Orban n’a pas gagné. L’attachemen­t aux valeurs qui ont fait l’UE demeure un ciment, au-delà des clivages partisans.

Cette bataille, n’en doutons pas, sera féroce. La Hongrie, comme la Pologne, est encore très loin d’avoir perdu ses droits de vote au sein du Conseil. Plus grave: dans ces deux pays, une grande partie de l’opinion publique reste facilement manipulabl­e, oublieuse de ce que l’UE a apporté. Or cette opinion est aujourd’hui chauffée à blanc, outragée d’être pointée du doigt pour son refus d’accueillir des migrants noirs et musulmans, ou pour son soutien à des partis qui disent s’en prendre aux juges et à la presse pour mieux défendre les intérêts des petits et des faibles.

Reste qu’un coup d’arrêt a eu lieu. Et qu’il vient de l’instance censée représente­r les 500 millions de citoyens européens. Une question demeure: la mobilisati­on va-t-elle maintenant s’ensuivre dans chaque pays membre? Car, contre les populismes, la sanction la plus effective est toujours celle du terrain et des urnes.

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