Viktor Orban n’a pas gagné
La bataille pour les élections de 2019 est engagée
Et si une digue politique, finalement, se constituait? Et si la poussée électorale des populistes europhobes et eurosceptiques commençait à s’enrayer? Le vote inédit du Parlement européen contre les dérives autoritaires du gouvernement hongrois, obtenu mercredi par 448 voix contre 197, est un signe qui dépasse, de loin, l’hémicycle de Strasbourg.
La veille, Viktor Orban avait fait le déplacement pour défier, dans la capitale alsacienne, tous ceux qui lui reprochent de porter atteinte à l’Etat de droit. Son grand succès, jusque-là, avait été d’éviter le face-à-face avec ses pairs, alternant les harangues anti-migrants et les manoeuvres de coulisses au Conseil, l’instance représentant les pays membres. Las. Les soutiens dont disposait l’homme fort de Budapest au sein de la majorité conservatrice du PPE – le Parti populaire européen auquel est affiliée sa formation, le Fidesz – ont fini par jeter l’éponge. Le dirigeant hongrois, comme le gouvernement polonais dominé par le parti Droit et justice, est désormais officiellement accusé de saborder les valeurs de l’Europe unie et démocratique qui a permis à son pays de se relever, après des décennies d’étouffoir communiste.
Ce vote, suivi de peu hier par l’adoption par les eurodéputés du projet de directive sur le droit d’auteur contraignante pour les plateformes numériques, est en fait un signal. Il prouve que la bataille politique est engagée, pour les élections européennes de mai 2019, entre ceux qui veulent défendre les institutions communautaires, et ceux qui cherchent à les faire imploser. Le message est clair, et fait écho au discours sur l’état de l’Union prononcé mercredi matin par un JeanClaude Juncker affaibli, dont le courage et les convictions masquent de plus en plus mal l’impuissance politique à la tête de la Commission européenne: Orban n’a pas gagné. L’attachement aux valeurs qui ont fait l’UE demeure un ciment, au-delà des clivages partisans.
Cette bataille, n’en doutons pas, sera féroce. La Hongrie, comme la Pologne, est encore très loin d’avoir perdu ses droits de vote au sein du Conseil. Plus grave: dans ces deux pays, une grande partie de l’opinion publique reste facilement manipulable, oublieuse de ce que l’UE a apporté. Or cette opinion est aujourd’hui chauffée à blanc, outragée d’être pointée du doigt pour son refus d’accueillir des migrants noirs et musulmans, ou pour son soutien à des partis qui disent s’en prendre aux juges et à la presse pour mieux défendre les intérêts des petits et des faibles.
Reste qu’un coup d’arrêt a eu lieu. Et qu’il vient de l’instance censée représenter les 500 millions de citoyens européens. Une question demeure: la mobilisation va-t-elle maintenant s’ensuivre dans chaque pays membre? Car, contre les populismes, la sanction la plus effective est toujours celle du terrain et des urnes.