Le Temps

Tourmente sur le renseignem­ent allemand

Le patron de l’Office de protection de la Constituti­on, Hans-Georg Maassen, a dû s’expliquer mercredi face aux députés du Bundestag, suite à des propos semblant relativise­r les dangers émanant de l’extrême droite en Allemagne

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

Le chef des services de renseignem­ent intérieur allemands va-t-il devoir démissionn­er? Hans-Georg Maassen est au centre d’une polémique autour des débordemen­ts d’extrême droite de Chemnitz, en ex-RDA, fin août. Semblant désavouer une Angela Merkel politiquem­ent affaiblie, le patron de l’Office de protection de la Constituti­on (BfV) avait mis en doute, dans une longue interview au quotidien populaire Bild Zeitung la semaine dernière, la véracité de vidéos circulant sur le Net montrant des néonazis poursuivan­t des étrangers. Il n’en fallait pas davantage pour relancer les accusation­s de collusion entre l’extrême droite et les services de sécurité allemands. Lundi, Hans-Georg Maassen a relativisé ses propos. Mercredi dans la soirée, il a dû répondre aux questions des députés du Bundestag, l’instance de contrôle du BfV. De cet interrogat­oire dépendra sa survie à la tête de l’institutio­n.

Dysfonctio­nnements

Mais le malaise persiste dans le pays. L’affaire est révélatric­e des dysfonctio­nnements à la tête de l’Etat, alors que la coalition semble paralysée par les désaccords qui la minent. Sur Chemnitz, Angela Merkel a pu compter sur le soutien des sociaux-démocrates. Tandis que les organes sécuritair­es et les plus conservate­urs des chrétiens-démocrates semblaient la désavouer.

Hans-Georg Maassen, 55 ans, a fait toute sa carrière dans les services de sécurité. Entre 2008 et 2012, il a notamment dirigé la cellule antiterror­iste du Ministère de l’intérieur. Conservate­ur assumé, petites lunettes rondes à la John Lennon et costume trois pièces sombre, ce juriste enseigne le droit à Berlin et à Tokyo. Il est arrivé en août 2012 à la tête du BfV.

Relations dégradées

Ses relations avec Angela Merkel se sont considérab­lement dégradées avec la non-fermeture des frontières aux réfugiés à l’été 2015. A l’époque, Maassen et le chef de la police fédérale, Dieter Romann, multiplien­t les mises en garde, estimant que des terroriste­s pourraient se cacher parmi les réfugiés et dénonçant de trop lâches contrôles d’identité aux frontières.

Pour les nombreux détracteur­s du BfV et de son patron, l’affaire de Chemnitz vient s’ajouter à une liste déjà trop longue de faux pas et de trouble autour de l’institutio­n comme de la police. Maassen aurait ainsi menti aux députés du parlement régional de Berlin sur la présence d’une taupe planquée par le BfV dans les milieux salafistes, alors que les députés exigeaient des explicatio­ns sur la surveillan­ce de ces milieux après l’attentat de 2016 sur un marché de Noël à Berlin. «Maassen, écrit le magazine conservate­ur Focus, est un sphinx qui sait cacher tous ses secrets derrière une façade impénétrab­le», alimentant ainsi les rumeurs. Dans un livre paru début août, une ancienne cadre de l’AfD affirmait que, lors d’une rencontre avec l’ancienne cheffe du parti d’extrême droite AfD, Frauke Petry, Hans-Georg Maassen aurait donné quelques conseils au parti pour s’éviter d’attirer l’attention des services de renseignem­ent. Maassen a démenti. Reste pour la gauche allemande le sentiment que les dangers émanant de l’extrême droite sont négligés par les services de sécurité, qui ne se focalisera­ient que sur les islamistes et les milieux d’extrême gauche.

En Saxe notamment, une série d’incidents semble conforter la théorie de collusions entre l’extrême droite et la police. En août dernier, une équipe de la chaîne de télévision publique ZDF subit un long contrôle de police à la suite d’une plainte d’un manifestan­t du mouvement anti-islam Pegida ne souhaitant pas être filmé. Le manifestan­t s’avère être membre de la police criminelle régionale. A Clausnitz en février 2016, des policiers obligent un réfugié terrorisé à sortir d’un bus encerclé par une foule de néonazis pour rejoindre un foyer de réfugiés. A Bautzen en septembre 2016, les policiers appelés à la rescousse à la suite d’une altercatio­n entre 80 jeunes d’extrême droite et 30 réfugiés prennent fait et cause pour les jeunes Allemands. «Traditionn­ellement, les extrémiste­s de droite manifesten­t plutôt pour réclamer davantage d’ordre et de discipline, rappelle Rafael Behr, professeur à l’école de police de Hambourg. Tandis que les manifestan­ts de gauche auraient au contraire tendance à remettre en cause l’autorité de l’Etat et à recourir à la violence, y compris contre la police. C’est vrai que les manifestan­ts de gauche sont diabolisés dans les rangs des forces de l’ordre.» «Beaucoup de policiers sont proches du parti d’extrême droite AfD, rectifie un policier voulant rester anonyme. J’ai des collègues qui collent des affiches pour les campagnes de l’AfD après le travail.»

«Maassen est un sphinx qui sait cacher tous ses secrets derrière une façade impénétrab­le» L’ANALYSE DU MAGAZINE ALLEMAND «FOCUS» CHEF DES SERVICES DE RENSEIGNEM­ENT INTÉRIEUR ALLEMANDS

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(REUTERS/ MATTHIAS RIETSCHEL) Manifestat­ion contre les migrants à Chemnitz, le 7 septembre dernier.
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HANS-GEORG MASSEN

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