Le Temps

La réforme fiscale et l’AVS seront liées

FISCALITÉ ET RETRAITES Le Conseil national a suivi le Conseil des Etats: le Projet fiscal 17 est officielle­ment joint à une compensati­on sociale, sous la forme d’un apport de 2 milliards au fonds AVS

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Ce sera tout ou rien: le sort du Projet fiscal 17 (PF 17, né sur les cendres de la réforme de l’imposition des entreprise­s III refusée en 2017) est définitive­ment lié à celui du financemen­t de l’AVS. Lors d’un vote très serré, le Conseil national a confirmé mardi par 101 voix contre 93 et 3 abstention­s l’option retenue par le Conseil des Etats. Considéran­t que la modernisat­ion du droit fiscal des sociétés échouerait une seconde fois dans les urnes si elle n’était pas flanquée de compensati­ons sociales, le National a fait sien le concept original imaginé par les sénateurs. Le découplage des deux dossiers a été défendu par l’UDC, la majorité des Verts, les Vert’libéraux, le PBD et quatre représenta­nts du PLR. Mais cela n’a pas suffi: les groupes socialiste, démocrate-chrétien et libéral-radical ont fait bloc pour soutenir la solution concoctée ce printemps par leurs collègues du Conseil des Etats.

Le concept prévoit de verser au fonds AVS 1 franc pour chaque franc sacrifié sur l’autel de la réforme fiscale. Celle-ci privera les collectivi­tés publiques de 2 milliards de francs et c’est ainsi une somme identique qui viendra alimenter le fonds des retraites. Somme qui sera financée par une hausse des cotisation­s AVS de 0,3%, prise en charge à parts égales par les employeurs et les salariés (apport: 1,2 milliard) et par une augmentati­on des contributi­ons fédérales. Les deux projets sont liés dans un seul et même arrêté, qui pourra être combattu par référendum. En cas de votation populaire, l’électeur dira oui ou non aux deux volets.

Y a-t-il unité de la matière?

L’unité de la matière a été remise en question par ceux qui contestent ce couplage politique. Un avis de droit de l’Office fédéral de la justice (OFJ) n’a pas permis de se faire une idée définitive à ce sujet. Dans sa prise de position, l’OFJ relève qu’il s’agit d’un «cas limite» mais le juge tout de même politiquem­ent «défendable» dans la mesure où le Tribunal fédéral a déjà admis que plusieurs projets soient réunis en un seul «pour des motifs de politique sociale ou régionale». Il s’agit dès lors de procéder à une appréciati­on politique plus que juridique, et c’est ce qu’a fait le parlement. Les partisans de ce paquet ont d’ailleurs évoqué quelques précédents: le rapporteur Olivier Feller (PLR/VD) rappelle par exemple que le fonds d’infrastruc­ture ferroviair­e a été couplé à la limitation de la déduction des frais de déplacemen­t profession­nels. Christian Lüscher (PLR/GE) a rappelé aux Vert’libéraux, qui contestent l’union de deux dossiers qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre, qu’ils avaient euxmêmes lancé une initiative populaire qui combinait la TVA et une taxe sur l’énergie.

L’UDC, qui critique elle aussi le manque d’unité de la matière, a également été montrée du doigt. Surtout le chef du groupe, Thomas Aeschi, qui a tenté de surcharger le bateau en réclamant, dans le cadre de ce paquet socio-fiscal, des économies sur le dos de l’aide au développem­ent, du soutien accordé aux pays de l’Est et de l’asile, sans oublier des réductions de primes d’assurance maladie. Mais les propositio­ns du Zougois ont été rejetées.

Si une majorité s’est dégagée pour soutenir le multipack du Conseil des Etats, c’est surtout en raison de l’urgence de réussir la réforme fiscale. Le temps presse, les pressions internatio­nales sont fortes, les cantons et les milieux économique­s attendent du parlement qu’il mette le PF 17 sous toit d’ici à la fin de la session d’automne afin que les mesures puissent entrer en vigueur en partie en 2019, en partie en 2020. Cela dans le but d’éviter à la Suisse de se retrouver sur une liste noire et aux sociétés installées dans un canton suisse de s’exposer à des mesures de rétorsion fiscales dans d’autres pays.

Dividendes imposés à 70% et 50%

Point central de la réforme, l’imposition des dividendes. Comme le Conseil des Etats, le Conseil national a décidé que les actionnair­es possédant une participat­ion d’au moins 10% verraient leurs dividendes imposés à 70% sur le plan fédéral et à 50% au minimum sur le plan cantonal, chaque canton restant libre d’appliquer un taux plus élevé. Plusieurs propositio­ns de la gauche visant à relever le prélèvemen­t minimal à 80% voire à 90% ont été refusées. Au coeur de la polémique qui a provoqué l’échec de la RIE III, la déduction des intérêts notionnels ne disparaît pas complèteme­nt de la nouvelle mouture. Elle reste possible là où la charge fiscale effective est supérieure à 18,03%. C’est le cas du canton de Zurich. L’UDC aurait voulu laisser cette possibilit­é à tous les cantons, mais cette propositio­n, qualifiée de «provocatio­n» par Guillaume Barazzone (PDC/GE), n’a pas été retenue. D’autres allégement­s pour l’apport en capital, les patent

boxes, la recherche et le développem­ent sont repris dans le nouveau projet.

Guillaume Barazzone aurait souhaité que les cantons reçoivent une compensati­on plus élevée de la part de la Confédérat­ion. La part des cantons à l’impôt fédéral direct passera de 17 à 21,2%. Le Genevois a proposé de grimper par étapes jusqu’à 22,3%. Mais il n’a pas été entendu. Au vote global, le projet a été accepté par 114 voix contre 68 et 13 abstention­s. Comme il ne reste que quelques petites divergence­s à éliminer, il devrait ainsi être sous toit le 28 septembre.

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