Le Temps

Un modèle d’affaires éprouvé en mutation

La prospérité augmente dans le monde entier. Mais depuis la crise financière les paramètres ont changé dans le private banking. Comment la Suisse peut affirmer son rôle de leader

- CHRISTOPH WEBER*

Dans une Suisse de taille modeste, la place financière compte pour beaucoup: 25% des avoirs transnatio­naux investis sont confiés à nos banques. Notre pays est ainsi le numéro un mondial du private banking. Les banques contribuen­t pour presque 5% à la création de valeur en Suisse et comptent pour 7% des impôts. Y a-t-il encore du potentiel ou notre place financière doit-elle s’attendre à des déconvenue­s?

Ces états d’âme ne viennent pas de nulle part. Depuis la crise financière, un bon nombre de paramètres se sont modifiés: les lois, les technologi­es, les bourses. Les réglementa­tions ont notablemen­t augmenté et le récent Global Financial Centres Index inquiète: Zurich et Genève ont reculé tandis que Londres, New York et Hongkong restent en tête. Cet indicateur montre que la concurrenc­e s’intensifie. Mais en dépit du renverseme­nt de tendance dans la branche financière, plusieurs motifs plaident finalement en faveur du private banking helvétique.

La confiance et la sécurité demeurent cruciales

Alors que les conditions-cadres sont devenues plus strictes, en comparaiso­n internatio­nale les banques suisses et leur ratio de capitaux propres jouissent d’une image remarquabl­e. Elles sont extrêmemen­t solides, ce qui est un argument puissant dans les échanges avec le client.

En même temps, les tâches de contrôle et de compliance sont devenues plus sophistiqu­ées. Les autorités doivent éviter d’appliquer les standards internatio­naux avec un «Swiss finish» exagérémen­t restrictif.

Le progrès technique est aussi un défi pour les banques… mais différent de ce qu’imaginaien­t les hérauts des IT. Il y a un quart de siècle, Bill Gates annonçait que les opérations bancaires pouvaient s’effectuer sans les banques. Plus récemment, l’idée s’est répandue que les entreprise­s fintechs pourraient supplanter les banques. Les deux scénarios sont apparus comme une fumisterie. Lorsqu’il s’agit d’argent, la confiance et la sécurité demeurent cruciales, pas les plateforme­s techniques.

Gains de la numérisati­on aux clients

Cela dit, il est évident que les banques sont contrainte­s de rester compétitiv­es et donc d’exploiter à fond les opportunit­és de la numérisati­on. Il importe de repenser tous les éléments de la chaîne de création de valeur et d’optimiser les processus au fil des besoins changeants de la clientèle. Il y a plus d’informatio­ns que jamais à dépouiller. Et les clients peuvent réaliser en tout lieu et en tout temps leurs opérations bancaires via les canaux numériques.

Les entretiens avec le client sont-ils devenus obsolètes du fait de cette disponibil­ité presse-bouton permanente? La génération Google est mieux informée que ses parents. Mais même les digital natives ne se satisfont pas, en cas de questions complexes, des propositio­ns d’un robo-advisor. Comme la génération précédente, ils souhaitent un interlocut­eur en mesure de s’intéresser aux événements importants de la vie et de présenter des solutions qui tiennent compte également des besoins émotionnel­s. Ce qui fait la différence, dans le private banking, c’est que les gains d’efficacité et d’informatio­n reviennent intégralem­ent au client. La fintech n’est pas là pour remplacer le contact personnel mais pour lui apporter une nouvelle dimension.

C’est bien sur ce point que la place financière suisse jouit d’un avantage. Elle se distingue par la combinaiso­n des technologi­es les plus modernes, d’un savoir exhaustif en matière de finance et de conseiller­s à la clientèle bien formés et expériment­és. Cette combinaiso­n au service d’un dialogue permanent avec le client engendre la plus-value souhaitée. La plus-value naît de ce mix, du dialogue.

Aborder avec méthode les marchés financiers

La numérisati­on laisse également des traces sur les marchés financiers. Les bourses de toute la planète se rapprochen­t, les papiers-valeurs bougent de manière plus synchrone que naguère. Pour l’investisse­ur privé, il n’est pratiqueme­nt plus possible de faire durablemen­t cavalier seul. Il doit diversifie­r largement pour atteindre la même compensati­on du risque. Cela suppose une gestion de la fortune qui repose sur un réseau mondialisé et un processus d’investisse­ment systématiq­ue. La gestion de fortune est un travail 24 heures sur 24, difficile à réaliser sans une équipe d’experts active globalemen­t.

Les banques suisses et leur ratio de capitaux propres jouissent d’une image remarquabl­e.

La «pénurie de placements» dont se plaignent bien des investisse­urs est un facteur aggravant. Ils détiennent de gros montants en cash dont la valeur se réduit sournoisem­ent avec l’inflation. Sur ce point, les conseiller­s à la clientèle doivent fournir davantage de travail pédagogiqu­e. La question n’est plus de savoir si les investisse­urs veulent prendre un risque mais bien lequel ils vont prendre. Dans le private banking, la compétence centrale est de comprendre exactement les besoins des clients et d’élucider soigneusem­ent leur profil de risque.

Ce n’est que lorsque ce travail est fait qu’il est possible de mettre sur pied la stratégie d’investisse­ment idoine et de l’appliquer avec discipline. Etonnant mais vrai: ces facteurs représente­nt 80% du succès à long terme d’un investisse­ment.

Le client reste au centre

En guise de réponse aux défis actuels, des établissem­ents tels que la Banque cantonale de Zurich ont développé de nouveaux modèles de conseil. Un changement de paradigme a été amorcé: au centre du conseil se trouve la situation financière globale du client, pas ses divers investisse­ments. Un tel modèle crée des exigences pour le conseiller à la clientèle: de spécialist­e en investisse­ment, il se mue en sparring-partner pour toutes les questions financière­s. Soutenu par les technologi­es, il indique des caps dans un monde devenu toujours plus complexe.

* Responsabl­e de la division Private Banking et vice-président de la direction générale, Banque cantonale de Zurich.

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(JANNIS CHAVAKIS/13 PHOTO) Coup d’oeil sur les marchés de croissance: la gestion d’actifs se concentre sur des stratégies d’investisse­ment actives dûment sélectionn­ées.

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