Le Temps

La Suisse doit choisir sa spécialisa­tion

Dans la compétitio­n globale, la place financière suisse peut toujours compter sur ses avantages traditionn­els, tels que stabilité et savoir technique. Comme tous les secteurs de l’économie, la gestion de fortune doit s’affirmer dans un contexte changé

- BERNHARD HODLER*

S’ils entendent continuer de réussir dans le contexte actuel, les acteurs de la gestion de fortune helvétique ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers. Le private banking suisse a déjà vécu un bouleverse­ment suite à la crise financière, lorsqu’il s’est agi de se redéfinir. L’indispensa­ble transforma­tion a réussi à bien des établissem­ents, à certains non. Aujourd’hui, la gestion de fortune suisse doit affronter de nouveaux défis et, comme pour d’autres branches, s’affirmer dans un environnem­ent de plus en plus marqué par la globalisat­ion, la numérisati­on et la réglementa­tion. Pour ce faire, il ne suffit pas d’actionner la pompe à finance ou de s’équiper pour l’avenir à coups de nouvelles technologi­es. La taille d’un établissem­ent n’est pas non plus déterminan­te pour un succès durable. Ce qui compte, c’est de se poser les questions stratégiqu­es essentiell­es, puis d’avoir le courage de se concentrer sur ses atouts comparatif­s.

Miser sur les marchés et les prestation­s

Si, de nos jours, trois des six plus grandes banques privées d’Asie proviennen­t de Suisse, cela signifie-t-il nécessaire­ment que l’Asie est une formule magique pour toutes les banques privées suisses? Ou une banque privée doit-elle être présente sur tous les marchés internatio­naux pour rencontrer un succès durable? Certes, vu les conditions-cadres actuelles, les établissem­ents suisses ne pourront éviter d’être de plus en plus présents à l’étranger, mais ils ne doivent ni ne peuvent se trouver comme chez eux sur tous les marchés internatio­naux. Pour assurer sa présence sur un marché, il faut focaliser son modèle d’affaires et miser sur ses atouts. Une spécialisa­tion claire réduit à moyen terme la complexité et les coûts et permet d’avoir une vision d’ensemble des risques.

Avant de manifester sa présence sur un marché, il faut avoir réfléchi au coût du ticket d’entrée, aux bénéfices réalisable­s, à la législatio­n et à la situation concurrent­ielle sur place. Car à l’internatio­nal on est au coude-à-coude avec la concurrenc­e locale et il faut donc disposer d’une offre au moins aussi bonne. Vu qu’il est tout simplement impossible d’opérer à ce niveau sur cent marchés, il importe de se restreindr­e. Pour l’un ou l’autre établissem­ent, le simple fait d’occuper des niches peut être une voie praticable.

Transparen­ce accrue

En matière de services et de produits, se spécialise­r peut vouloir dire se limiter au private banking, soit à une activité de conseil complète et de haute valeur, et renoncer totalement à assurer par exemple sa propre gestion d’actifs. Une telle séparation est non seulement bien accueillie par des clients toujours mieux

Occuper des niches peut être un bon moyen pour les établissem­ents bancaires

informés, ceux qui cherchent le meilleur produit d’investisse­ment sur le marché et pas forcément auprès de leur banque; elle convient également aux efforts réglementa­ires actuels en faveur d’une transparen­ce accrue. Une focalisati­on de l’offre pourrait aussi consister en une spécialisa­tion dans l’expertise, par exemple dans le domaine des investisse­ments durables.

Enfin, on peut imaginer que si les banques privées se concentren­t sur leurs compétence­s de base, cela permet une collaborat­ion plus étroite dans la fourniture de prestation­s peu différenci­ées, notamment dans certains domaines de la numérisati­on. L’initiative actuelle de l’opérateur boursier SIX en vue d’une plateforme commune servant à identifier les clients est un exemple porteur d’avenir.

* Chief Executive Officer, Julius Baer, Zurich

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