La Suisse doit choisir sa spécialisation
Dans la compétition globale, la place financière suisse peut toujours compter sur ses avantages traditionnels, tels que stabilité et savoir technique. Comme tous les secteurs de l’économie, la gestion de fortune doit s’affirmer dans un contexte changé
S’ils entendent continuer de réussir dans le contexte actuel, les acteurs de la gestion de fortune helvétique ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers. Le private banking suisse a déjà vécu un bouleversement suite à la crise financière, lorsqu’il s’est agi de se redéfinir. L’indispensable transformation a réussi à bien des établissements, à certains non. Aujourd’hui, la gestion de fortune suisse doit affronter de nouveaux défis et, comme pour d’autres branches, s’affirmer dans un environnement de plus en plus marqué par la globalisation, la numérisation et la réglementation. Pour ce faire, il ne suffit pas d’actionner la pompe à finance ou de s’équiper pour l’avenir à coups de nouvelles technologies. La taille d’un établissement n’est pas non plus déterminante pour un succès durable. Ce qui compte, c’est de se poser les questions stratégiques essentielles, puis d’avoir le courage de se concentrer sur ses atouts comparatifs.
Miser sur les marchés et les prestations
Si, de nos jours, trois des six plus grandes banques privées d’Asie proviennent de Suisse, cela signifie-t-il nécessairement que l’Asie est une formule magique pour toutes les banques privées suisses? Ou une banque privée doit-elle être présente sur tous les marchés internationaux pour rencontrer un succès durable? Certes, vu les conditions-cadres actuelles, les établissements suisses ne pourront éviter d’être de plus en plus présents à l’étranger, mais ils ne doivent ni ne peuvent se trouver comme chez eux sur tous les marchés internationaux. Pour assurer sa présence sur un marché, il faut focaliser son modèle d’affaires et miser sur ses atouts. Une spécialisation claire réduit à moyen terme la complexité et les coûts et permet d’avoir une vision d’ensemble des risques.
Avant de manifester sa présence sur un marché, il faut avoir réfléchi au coût du ticket d’entrée, aux bénéfices réalisables, à la législation et à la situation concurrentielle sur place. Car à l’international on est au coude-à-coude avec la concurrence locale et il faut donc disposer d’une offre au moins aussi bonne. Vu qu’il est tout simplement impossible d’opérer à ce niveau sur cent marchés, il importe de se restreindre. Pour l’un ou l’autre établissement, le simple fait d’occuper des niches peut être une voie praticable.
Transparence accrue
En matière de services et de produits, se spécialiser peut vouloir dire se limiter au private banking, soit à une activité de conseil complète et de haute valeur, et renoncer totalement à assurer par exemple sa propre gestion d’actifs. Une telle séparation est non seulement bien accueillie par des clients toujours mieux
Occuper des niches peut être un bon moyen pour les établissements bancaires
informés, ceux qui cherchent le meilleur produit d’investissement sur le marché et pas forcément auprès de leur banque; elle convient également aux efforts réglementaires actuels en faveur d’une transparence accrue. Une focalisation de l’offre pourrait aussi consister en une spécialisation dans l’expertise, par exemple dans le domaine des investissements durables.
Enfin, on peut imaginer que si les banques privées se concentrent sur leurs compétences de base, cela permet une collaboration plus étroite dans la fourniture de prestations peu différenciées, notamment dans certains domaines de la numérisation. L’initiative actuelle de l’opérateur boursier SIX en vue d’une plateforme commune servant à identifier les clients est un exemple porteur d’avenir.
* Chief Executive Officer, Julius Baer, Zurich