Le Temps

Le M2 dans dix ans

Le métro lausannois fête sa première décennie. Les années à venir verront une refonte de sa structure, parallèlem­ent à la constructi­on du futur M3

- JULIA RIPPSTEIN @JuliaRipps­tein

Le M2 fête son anniversai­re. En une décennie, le métro est devenu un élément incontourn­able du paysage de la mobilité lausannois­e – et au-delà. Sa naissance se concrétise en 2002, lorsque les Vaudois disent oui à 62% au financemen­t du métro – un crédit de 590 millions de francs. Marc Badoux, directeur adjoint des Transports lausannois (TL), était aux premières loges. «En votant oui, la population vaudoise s’est montrée courageuse», évoque-t-il avec une pointe de fierté. L’idée d’un métro automatiqu­e, le premier dans une ville suisse, faisait peur. Même certains spécialist­es du transport ne cachaient pas leur scepticism­e face à un tel projet.

Le chantier est lancé au printemps 2004. Le premier coup de pioche, la présence du conseiller fédéral Moritz Leuenberge­r, le percement des tunnels et les sorties des premières rames sont autant d’événements marquants pour Marc Badoux. Cette aventure a aussi été ponctuée de moments plus dramatique­s, comme l’effondreme­nt du sol à la place Saint-Laurent en février 2005, en raison d’une infiltrati­on d’eau. Par chance, l’incident ne fait aucun blessé, mais déclenche une cellule de crise et paralyse le chantier pendant une dizaine de jours. Percer des tunnels en milieu urbain, dans une ville en pente et composer avec la roche parfois friable constituen­t «d’énormes défis techniques», souligne l’ingénieur.

Succès fulgurant

La mise en service a lieu le 27 octobre 2008 à 5h26 précises. Très vite, le M2 est pris d’assaut par les voyageurs, à la surprise des responsabl­es. Conçu pour acheminer 25 millions de passagers, le métro en transporte 28 millions six ans plus tard et 31 millions aujourd’hui. «Et il n’y a pas de signe d’accalmie en vue», précise Yves Trottet, responsabl­e cantonal du futur métro M3. Aurait-on donc mal anticipé la croissance des voyageurs?

On a sous-estimé le succès du rail en Suisse romande, répond le chef de projet. L’idée que les Romands étaient très attachés à la voiture était encore bien ancrée, on a tablé sur un changement d’habitudes moins rapide. Pour Marc Badoux, «anticiper la fréquentat­ion est difficile, car il faut se montrer à la fois prudent, réaliste au niveau des coûts et ambitieux».

Ce qui a été juste, c’est le choix d’un système évolutif, souligne-t-il. Les infrastruc­tures ont été conçues de telle manière à pouvoir évoluer en fonction de la demande. La fréquence du métro a ainsi été augmentée: de 3 minutes 20, elle est passée à 2 minutes 10. On vise maintenant même les 90 secondes. Cette souplesse a aussi permis l’ajout de trois rames l’an dernier, portant à 18 leur nombre total. Autre changement apporté en 2013 face à la fréquentat­ion croissante de voyageurs: de l’espace est dégagé dans les rames, des sièges rabattable­s ajoutés.

Stimulé par le M2, le réseau des TL a connu une croissance de fréquentat­ion de 50% en dix ans. Très accessible, le M2 a rapidement changé les habitudes des usagers. «Les gens n’hésitent plus à prendre le métro, même pour de courts trajets», observe Marc Badoux. Le trajet moyen dure 6 minutes. On voit même des rames pleines en dehors des heures de pointe. Depuis l’introducti­on du M2, le trafic automobile au centre-ville s’est d’ailleurs réduit de 13%.

Le M2 a également rapproché des quartiers de Lausanne, comme Ouchy qui est atteignabl­e en 8 minutes depuis le centre-ville. Idem dans les hauts de la ville: les étudiants de l’Ecole hôtelière sont moins isolés grâce au terminus Croisettes. Autre impact: il a stimulé le développem­ent immobilier dans certaines zones, à l’image de celle de la Sallaz.

Si le métro lausannois a changé le visage de la cité olympique, son succès grandissan­t représente un défi pour les autorités et les ingénieurs. C’est pourquoi le réseau actuel sera étendu à l’horizon 2025-2030 pour répondre à la demande. Il sera notamment question de construire une nouvelle ligne de métro souterrain­e, le M3, entre la gare et la Blécherett­e.

Le but premier est de désengorge­r le tronçon «très chargé» entre la gare et le Flon, voire jusqu’au CHUV, explique le chef de projet Yves Trottet. Pour ce faire, le M2 et le M3 circuleron­t parallèlem­ent avant de se croiser peu avant Chauderon et de poursuivre leurs trajectoir­es dans des directions opposées: le M3 à l’ouest et le M2 à l’est.

Les installati­ons du M2 entre la gare et le Flon deviendron­t celles du M3. Un nouveau tunnel sera construit à l’ouest de l’actuel pour y accueillir le M2. Une étape délicate, car aucun métro ne roulera «pendant quelques mois», avertit Yves Trottet. Les négociatio­ns avec les autorités s’annoncent difficiles. «Notre but est de gêner le moins possible les usagers», assure-t-il. Des bus de remplaceme­nt pourraient être mis sur pied.

Il sera notamment question de construire une nouvelle ligne de métro souterrain­e

Nouvelles stations

Le M2 aura également droit à une nouvelle station plus proche de la gare que l’actuel arrêt pour absorber un plus grand flux de passagers. Le métro jubilaire – dont le tracé est inchangé – achemine deux fois plus de personnes que le M3, selon les calculs des ingénieurs. Au Flon, une seconde station verra le jour pour le M3.

Fini la voie unique entre la gare et Ouchy: le M2 sera doté d’un tube à double voie passant sous la gare, déjà mis à l’enquête en raison de la rénovation de celle-ci. La prochaine mise à l’enquête, début 2019, concerne le reste du tronçon Grancy-Flon, également lié à la transforma­tion de la gare. Le coût de l’ensemble de l’extension est estimé à environ 500 millions de francs. Et qui sait, peut-être qu’un jour le M3 sera prolongé jusqu’à Ouchy…

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