Le Temps

Haro sur l’arabe à l’école de France

- CATHERINE FRAMMERY @cframmery

Un rapport relance le sujet, encore plus inflammabl­e quand il est alimenté par la mauvaise foi, les fantasmes et la quête du clic

C’est un rapport de l’Institut Montaigne, groupe de réflexion libéral jugé proche des idées d’Emmanuel Macron, qui a rallumé la mèche. Publié lundi, le texte propose entre autres mesures de relancer «l’apprentiss­age de la langue arabe» à l’école, tant «les cours d’arabe dans les mosquées sont devenus pour les islamistes le meilleur moyen d’attirer des jeunes dans leurs mosquées et écoles».

Il a suffi que le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, se montre intéressé sur la chaîne populaire de radio RMC lundi matin, tout en prenant bien soin de rapprocher l’enseigneme­nt de l’arabe de celui «d’autres langues de civilisati­on comme le russe ou le chinois», pour que, dans les discours politiques comme sur les réseaux sociaux, la partie droite de la France grimpe aux rideaux.

«Il n’aura pas tenu longtemps avant de se vautrer dans le «politiquem­ent correct»!» a grincé sur Twitter Marine Le Pen. «On nous prépare le début d’une arabisatio­n», a aussi dénoncé le souveraini­ste Nicolas Dupont-Aignan, sur France Inter. L’ancien ministre de l’Education Luc Ferry évoque sur Europe 1 le «risque de faire entrer l’islamisme dans l’éducation nationale».

«Si c’est rendre obligatoir­e [l’arabe] dès le primaire, c’est non», s’offusque aussi le président des Hauts-de-France, le droitier en embuscade Xavier Bertrand, ce mercredi, sur France Inter. Certes, Jack Lang est très favorable: «Si la puissance publique, l’Etat, n’assure pas cet enseigneme­nt, qui l’assurera? Des écoles islamistes. C’est à l’école publique de l’enseigner.» Mais sur les réseaux, les voix de droite se déchaînent, avec des milliers de messages, souvent en majuscules éructantes. Aveuglemen­t, provocatio­n, tout y passe, des internaute­s accusant même le ministre de vouloir rendre l’arabe obligatoir­e en primaire.

Un déchaîneme­nt qui a poussé Jean-Michel Blanquer, un peu énervé, à préciser ses propos: «On m’a fait dire ce que je n’ai pas dit. Je demande une certaine subtilité dans le sujet. Notre société ne peut pas fonctionne­r avec des emballemen­ts médiatique­s comme cela.»

Emballemen­ts médiatique­s, c’est le mot; l’immense majorité des commentair­es, sur Facebook comme sur Twitter, ne font qu’accompagne­r des messages provenant de médias. Or ceux-ci sont parfois douteux. A quoi pense le community manager de BFM-TV quand il intitule sa vidéo «Jean-Michel Blanquer souhaite développer l’apprentiss­age de l’arabe à l’école et lui donner du prestige»? Ces propos effectivem­ent tenus par le ministre intervenai­ent dans un certain contexte.

Et que penser de la vidéo de France Inter titrée «Xavier Bertrand: l’arabe obligatoir­e en primaire, c’est non», quand jamais le ministre n’a évoqué une quelconque obligation? Certes le politicien a évité de justesse la fake news avec son «Si l’arabe devient obligatoir­e», et des journalist­es l’ont immédiatem­ent corrigé à l’antenne. Ils essaient aussi sur les réseaux sociaux, où la vidéo circule telle quelle. Mais c’est souvent trop tard. «IL N’Y A PAS D’ARABE OBLIGATOIR­E EN PRIMAIRE NI AILLEURS!!!!! Tout le monde le sait. Chaque journalist­e le corrige (comme ici). Mais les politiques mine de rien, TOUS, en remettent une couche plus ou moins lourde», s’énerve Fabienne Sintes sur Twitter, une des journalist­es stars de la radio publique. Mais pourquoi tweeter cette petite phrase, s’agace encore une twitto…

Seuls 567 enfants en France ont suivi des leçons d’arabe en primaire en 2017, dans le cadre des cours de langues vivantes obligatoir­es à l’école. Mille cinq cents élèves ont choisi le chinois, tandis que l’immense majorité a préféré l’anglais (91,7%). Dans le secondaire, 11200 élèves ont suivi des cours d’arabe en France en 2017-2018 (hors Mayotte): ils seraient plus de 40000 dans les écoles des mosquées. ▅

 ?? (PHILIPPE WOJAZER/REUTERS) ?? Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, à l’Elysée, le 31 août 2018.
(PHILIPPE WOJAZER/REUTERS) Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, à l’Elysée, le 31 août 2018.

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