Le Temps

Des négociateu­rs suisses pour épauler les pays émergents auprès de l’OMC

- RAM ETWAREEA @ram52

Ideas Centre, sis à Genève, aide les pays sans ressources et sans expertise à intégrer le système commercial internatio­nal. Son nouveau directeur, Christian Pauletto, un ancien du Seco, détaille ses objectifs

Dans la galaxie de la Genève internatio­nale, Ideas Centre n’est pas des plus visibles. Et pourtant. Depuis 2002, cette organisati­on apporte un soutien décisif à de nombreux pays n’ayant pas de moyens financiers ou d’expertise pour monter dans le train de la mondialisa­tion.

A présent, ses experts fournissen­t une aide technique à la Serbie pour défendre sa candidatur­e d’adhésion à l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC). Le centre, qui a déjà accompagné – jusqu’à leur accession à l’OMC et au-delà – le Vietnam, le Laos, le Liban, le Tadjikista­n, le Monténégro et le Liberia, vient de recruter son nouveau directeur: le Genevois Christian Pauletto a pris ses fonctions le 1er septembre.

Dès le départ, Ideas Centre s’est construit grâce aux expérience­s de négociateu­rs de ses fondateurs: Arthur Dunkel, ancien diplomate suisse et directeur général du GATT (devenu l’OMC en 1994), et Nicolas Imboden, ancien délégué du Conseil fédéral aux Accords commerciau­x.

L’organisati­on avait surtout fait parler d’elle au début des années 2000. Dans une bataille digne de David contre Goliath, elle avait mobilisé quatre pays africains producteur­s de coton (Bénin, Burkina Faso, Mali, Tchad) pour contester les subvention­s des Etats-Unis à leur filière et les accuser de faire de la concurrenc­e déloyale. Washington avait fini par payer des compensati­ons, mais le dossier n’est toujours pas clos. Les grands cotonniers des plateaux du Texas poursuiven­t encore leurs activités grâce aux subvention­s. Or en Afrique, cette culture constitue le gagne-pain de 10 millions de personnes.

Multilatér­alisme en danger

Christian Pauletto est de la même trempe que ses prédécesse­urs. Chef négociateu­r suisse pour les services, le commerce électroniq­ue et la facilitati­on aux investisse­ments au sein du Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco), il a été de tous les grands accords commerciau­x – bilatéraux ou multilatér­aux – que la Suisse a signés au cours de ces dernières années. «Nous voulons accompagne­r les pays émergents et en développem­ent dans la grande mutation en cours, qui modifie le paysage des échanges internatio­naux, s’enthousias­me-t-il. Ces derniers en pèsent désormais pour plus de 50% et un tiers a lieu entre pays du sud.» Il souligne que cette mutation se produit au moment où l’OMC, le gendarme du commerce mondial, paraît dépassée et où le multilatér­alisme est remis en cause, notamment par les Etats-Unis, au profit du chacun pour soi.

Le nouveau directeur d’Ideas Centre a la profonde conviction que les pays en développem­ent doivent participer activement au débat sur l’avenir du commerce, au risque de subir des décisions prises en leur absence. «En ce moment, il y a une réticence dans les capitales pour venir à Genève, fait remarquer Christian Pauletto. Nous allons les aider à changer d’avis.» Selon lui, beaucoup de pays, même s’ils ont adhéré à l’OMC depuis des années, ne réalisent pas le potentiel de gains s’ils s’intégraien­t davantage dans le système internatio­nal.

Toutefois, pour avoir participé à des centaines des négociatio­ns, Christian Pauletto ne veut pas donner de faux espoirs. «L’expérience montre qu’il faut être réaliste par rapport aux résultats attendus, dit-il. Il faut être ambitieux, mais aussi tenir compte de la géopolitiq­ue et d’autres intérêts. Plus tôt on réalise les limites, plus vite on se met au travail. Dans ce contexte, je conçois mon propre rôle comme celui d’un facilitate­ur et d’un constructe­ur de passerelle­s.»

Astana 2020 en point de mire

CHRISTIAN PAULETTO NOUVEAU DIRECTEUR D IDEAS CENTRE

«Nous voulons accompagne­r les pays émergents et en développem­ent dans la grande mutation en cours, qui modifie le paysage des échanges internatio­naux»

Ideas Centre, qui est financé par divers gouverneme­nts dont l’Allemagne, la Suisse et l’Australie, a déjà les yeux rivés sur la prochaine conférence ministérie­lle de l’OMC. Celle-ci aura lieu en juin 2020 à Astana, capitale du Kazakhstan. Selon son directeur, la dernière conférence, en 2017 à Buenos Aires, était un échec. «Le dossier agricole, qui revêt une importance particuliè­re pour les pays en développem­ent, sera l’un des thèmes forts, précise Christian Pauletto. Même si ces derniers ne partagent pas tous les mêmes objectifs, ils souhaitent des progrès sur les questions de subvention­s et de la politique de réserves alimentair­es.»

La pêche, activité économique essentiell­e dans de nombreuses régions du monde, sera l’autre dossier chaud. L’objectif est de mettre en place une meilleure réglementa­tion pour éviter que des chalutiers subvention­nés n’aillent braconner dans les eaux territoria­les d’autres Etats.

 ?? (STR/KEYSTONE) ?? L’organisati­on genevoise Ideas Centre a déjà accompagné le Vietnam, le Laos, le Liban, le Tadjikista­n, le Monténégro et le Liberia pour leur accession à l’OMC. Elle apporte désormais son soutien à la Serbie.
(STR/KEYSTONE) L’organisati­on genevoise Ideas Centre a déjà accompagné le Vietnam, le Laos, le Liban, le Tadjikista­n, le Monténégro et le Liberia pour leur accession à l’OMC. Elle apporte désormais son soutien à la Serbie.
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