Le Temps

A Develier, on dit: «Cré poue, qu’çâ bon»

- PHILIPPE SIMON @PhilippeSm­n

A Develier, si vous voulez vous faire comprendre, il faut l’appeler «la clotche». De quoi s’agit-il? D’un des secrets les mieux gardés des métairies de montagne jurassienn­es: la Claude-Chappuis. Mais reprenons. Develier, petite bourgade de 1200 âmes située sur les contrefort­s méridionau­x du col des Rangiers. Prenons la route qui serpente en direction de Bourrignon et, d’un coup sec, juste après la ferme des Vies, virons à gauche.

Vous arriverez en quelques secondes à la Claude-Chappuis. C’est une ferme-restaurant, et c’est un temple. De là, vous embrassere­z du regard toute la vallée de Delémont. Mais vous aurez beau tenter de perdre vos yeux dans le vallonneme­nt qui s’offre à eux, vos narines vous ramèneront à l’essentiel: ici, on mange. La Claude-Chappuis est la propriété de la famille Tschirren, et son histoire remonte aux heures sombres du continent. C’est durant la Mob de 1939 que «la grand-mère Tschirren» décida de soulager le quotidien des soldats postés à la frontière en leur faisant à manger – fait notable, le général Guisan fit honneur à cette table en devenir. «Non, ce n’est pas une légende», assure Sandra Tschirren, l’actuelle âme du lieu. Depuis, la Claude-Chappuis est devenue le lieu où l’on se retrouve entre marcheurs et mangeurs. Et qu’y mange-t-on? Sandra Tschirren: «Le jour où le Doubs nous passera dessus, je ferai du poisson.» Le fleuve ne coule que deux communes plus loin, mais on en est protégé pendant encore quelques milliers d’années: ici, on est dans la zone du jambon.

Et là, c’est toute une histoire. On ne sait jamais trop quel est le sens qui va vous avertir de sa venue à table: est-ce que c’est cette odeur noblement rude qui vous saisit, ou le cliquetis des couverts sur le plat en inox, ou cette impeccable coloration de la viande, servie avec cornichons, oeufs durs et röstis plus fondants qu’un président de parti? Fact: les bêtes viennent de la commune ou, en cas de rupture de stock, d’Undervelie­r, dans les gorges du Pichoux.

Et en bouche? Ça saisit, et ça séduit: c’est fluide et costaud à la fois – bref, c’est sensuel. Ça rappelle des souvenirs, sans cesse. Comme on dit là-haut: «Cré poue, qu’çâ bon.» Ou, en bon français: «Sacré cochon, qu’est-ce que c’est bon.» ▅

La Claude-Chappuis, Develier (JU), tél. 032 422 14 17, fermé me et je, pas de cartes de crédit/débit, www.la-claude-chappuis.ch

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland