Et Maduro s’en va-t-en Chine
Cela faisait un certain temps que la momie de Mao, sanctuarisée dans un mausolée au coeur de la capitale chinoise, n'avait plus reçu de visite d'un chef d'Etat. La dernière fois, c'était Raul Castro, en 2005. Vendredi, Nicolas Maduro a renoué avec la tradition «révolutionnaire» pour rendre hommage à l'«un des plus grands fondateurs du XXIe siècle multipolaire», selon la version donnée par la télévision officielle vénézuélienne. Un geste appréciable pour Xi Jinping, le président chinois qui a remis Mao Tsétoung (décédé il y a 42 ans) au goût du jour et qui prône un «nouveau multilatéralisme». Des courbettes payantes pour le président vénézuélien – il s'est incliné à trois reprises devant la dépouille – en quête désespérée d'argent liquide pour éviter le naufrage de son économie (inflation de 1000000% prévue en 2018, selon le FMI).
Le Venezuela, contrairement à ce qu'affirme Washington, n'est pas isolé. Caracas peut en effet compter sur le soutien de la Russie, de l'Iran, de Cuba et d'autres «pays frères» d'Amérique latine, de la Corée du Nord et, surtout, de la Chine. Si les Etats-Unis, et l'Union européenne et le Canada dans une moindre mesure, tentent d'étouffer financièrement le régime chaviste, Pékin lui insuffle à dose régulière le cash nécessaire pour son maintien à flot. Ce week-end, Nicolas Maduro devrait ainsi se voir confirmer une nouvelle ligne de crédits chinois pour un montant de 5 milliards de dollars qui s'ajouteront aux 70 milliards accordés ces dix dernières années, selon le calcul de l'agence Bloomberg.
Pékin défie sciemment les Etats-Unis et leurs alliés en Amérique latine
La ferveur maoïste de Maduro n'est pas la raison première de cette bienveillance: Pékin, tout comme les Etats-Unis, convoite les hydrocarbures du Venezuela qui renferme parmi les plus grandes réserves du monde. Mais l'idéologie, ou du moins la politique, reste en embuscade. Ces derniers jours, des médias américains ont révélé que l'administration de Donald Trump avait bien envisagé le scénario d'un coup d'Etat au Venezuela à l'été 2017, avant d'y renoncer. Plus récemment, des anciens militaires vénézuéliens seraient revenus à la charge pour obtenir le soutien de Washington contre Maduro. En vain. Caracas n'en accuse pas moins les Etats-Unis d'être à l'origine, début août, de la tentative d'assassinat du président (l'opposition évoquant quant à elle une mise en scène). Washington nie.
En déroulant le tapis rouge à Maduro, Pékin défie les Etats-Unis et leurs alliés en Amérique latine dans une phase de tensions grandissantes. Ebranlée par la guerre commerciale déclenchée par Trump, la Chine ravive les contrefeux. Cela pourrait payer face à une puissance américaine qui se replie sur elle-même, de plus en plus erratique. Face à l'unilatéralisme de Washington, Pékin parle de «nouvelle communauté de destin», de «nouvelles relations Sud-Sud». Un discours qui fait son chemin en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, appuyé par un arrosage d'investissements et de crédits.
La nouveauté vantée par Pékin tient à l'indifférence affichée à l'égard de la nature des régimes auxquels il accorde son aide. Dans les faits, la Chine étend son réseau d'influence dans une logique de défense de ses intérêts, y compris par la promotion de son modèle politique. C'est là où on revient à l'idéologie. Le pouvoir de Maduro est sino-compatible. Plus Washington tentera d'étouffer Caracas et plus le Venezuela se placera sous la protection de Pékin.
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