Le Temps

La souveraine­té face aux géants du web

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

C'est une des nouveautés de l'année. Les Etats souhaitent reprendre la main dans le monde sur le web. Au niveau de l'UE, le vote du Parlement sur les droits voisins a permis de montrer une déterminat­ion nouvelle. Dans un monde où les géants que sont Facebook et Google accaparent 90% des revenus de la publicité, les député ont décidé de corriger un marché cassé. De la même manière que personne n'accepterai­t de laisser une radio prospérer sans qu'elle ne paye la musique qu'elle diffuse, les plateforme­s devront désormais rémunérer le contenu qu'elles hébergent et qui créent une bonne partie de leur trafic.

Cette thématique a permis à la loi sur les jeux d'argent de passer la rampe lors d'un référendum en juin. Grâce à ce système, les loteries en ligne travaillan­t depuis l'étranger ont un accès limités aux utilisateu­rs suisses. Les détracteur­s de l'initiative – dont Le Temps – notaient qu'il est illusoire de croire qu'internet peut être cantonné à des frontières. C'est pourtant ce que demande le peuple.

La règle européenne, qui prévoit de faire payer des entreprise­s basées en Californie pour des articles écrits ici, va-t-elle suffire à sauver la presse? Pas si simple. D'abord car il faudra encore plusieurs épisodes avant que la règle entre en force. Ensuite, car diverses tentatives au niveau européen pour juguler l'emprise des firmes technologi­ques n'ont pas connu le succès escompté. Les Belges, les Espagnols et les Allemands (dont Axel Springer, co-éditeur du Temps) en savent quelque chose. Ici, la législatio­n devra être adaptée.

Il ne faut pourtant pas baisser les bras. Le laisser-faire dans le domaine technologi­que peut avoir pour conséquenc­e la mise en place de domination­s de marchés et de manipulati­ons de l'informatio­n. Les enjeux sont élevés quand la démocratie est menacée. Si Facebook, ces deux dernières années, a bien prouvé quelque chose, c'est qu'il devait être réparé et qu'il ne le ferait pas sans la pression du public, des politiques et des investisse­urs.

Sur le terrain de la concurrenc­e, la commissair­e européenne Margrethe Vestager a fait plier Google cet été en lui présentant une note de 5 milliards de francs. Le Vieux Continent a réagi comme il sait le faire, avec des lois et des règlements, quand les Etats-Unis ont lancé leurs pionniers à la conquête du monde. La prochaine attaque est connue, elle arrive déjà de Chine. L'Europe doit mettre les bouchées double pour ne pas rater l'émergence de nouveaux domaines de l'innovation comme l'intelligen­ce artificiel­le ou l'informatiq­ue quantique. Sinon, elle devra à terme ériger de nouveaux ponts-levis pour se protéger.

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