Le Temps

Genève, source de prospérité et d’inquiétude en France voisine

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

L’influence du canton sur les zones frontalièr­es se voit dans le dynamisme du commerce et de l’immobilier, mais aussi dans l’attrait de la main-d’oeuvre. Ce dernier point préoccupe les PME françaises, qui peinent à conserver leurs collaborat­eurs qualifiés

Comment progresser au niveau économique lorsqu’on se trouve à proximité d’un poids lourd comme Genève? C’est la question que se posent les autorités françaises des zones frontalièr­es du canton, en Haute-Savoie principale­ment. La proximité genevoise soutient le commerce et l’immobilier locaux, montre une étude de la Banque de France dévoilée vendredi à Archamps, tout près de la frontière franco-suisse. La région cherche aussi à pérenniser son important pôle industriel, qui, lui ne dépend pas du dynamisme genevois.

Entre 2012 et 2016, le commerce de détail dans les parties de la Haute-Savoie les plus proches de la frontière genevoise a progressé de 28%. Soit deux fois plus rapidement que l’économie dans son ensemble, selon cette étude qui porte sur 9000 entreprise­s locales. Sur la même période, l’immobilier, en particulie­r le second oeuvre, a été particuliè­rement dynamique.

Environ 80% des crédits dédiés à l’immobilier

«Environ 80% des crédits accordés par les banques locales concernent l’immobilier», souligne Martial Schouller, directeur général adjoint du Crédit Agricole des Savoie. Avec l’ironie que cette constructi­on très soutenue profite peu aux entreprise­s locales, aux tarifs moins compétitif­s par rapport à leurs concurrent­es de Lyon ou Grenoble, à moins de deux heures de route.

La zone frontalièr­e affiche un troisième pôle économique fort: l’industrie, dans le décolletag­e et la sous-traitance pour le secteur automobile. Sa santé dépend largement de la conjonctur­e mondiale, pas de l’économie genevoise.

Ces trois facteurs expliquent que la Haute-Savoie soit l’un des départemen­ts français les plus prospères, avec un taux de chômage parmi les plus bas de l’Hexagone, un revenu annuel moyen de 23 000 euros (25 940 francs) par habitant, qui n’est devancé que par celui des Francilien­s au niveau national, et un produit intérieur brut estimé à 21 milliards d’euros, contre environ 2300 milliards pour l’ensemble de l’économie française.

Genève monopolise les services aux entreprise­s

Mais les défis ne manquent pas, à commencer par la relative faiblesse du secteur des services aux entreprise­s. Or ce soutien serait particuliè­rement utile pour solidifier et pérenniser le pôle industriel. C’est que, dans la région au sens large, «la création de richesse dans les services se fait essentiell­ement à Genève. Côté français, il est difficile d’attirer et de conserver des collaborat­eurs qualifiés payés en euros. C’est l’une des raisons qui expliquent la difficulté pour le secteur de se développer» décrit Pierre-Jean Crastes, chargé de l’aménagemen­t du territoire pour le Pôle métropolit­ain du Genevois français, un groupement de collectivi­tés locales.

Attractivi­té salariale en berne

«Entre le prix du terrain et le niveau des salaires, il n’est pas facile de rester attractifs pour les collaborat­eurs», reconnaît Nicolas Peillon. Ce patron de Carbilly, une PME industriel­le, mise aussi sur la valorisati­on de ses salariés afin de les conserver.

Actif dans la fibre optique à travers sa société K-Net, Frank Bisetti a réparti ses activités sur 13 sites en France, employant par exemple des téléopérat­rices dans le nord du pays, où les salaires sont moins élevés qu’à proximité de Genève. Son entreprise s’est aussi implantée en Suisse, où il «récupère ses anciens employés français» attirés par les salaires. Et où il s’est lui aussi installé personnell­ement, «après trois contrôles fiscaux et un contrôle de l’Urssaf», l’organisme français qui centralise les cotisation­s sociales.

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