Le Temps

LE BON BAO ARRIVE EN SUISSE ROMANDE

- PAR ÉDOUARD AMOIEL @EAmoiel

Nouvelle coqueluche de la scène mondiale «street food», la brioche chinoise débarque en grande pompe sur les tables romandes

David Davinroy est un homme comblé. Cet entreprene­ur quadragéna­ire, aux allures de Paul Belmondo, vient de réaliser un de ses rêves les plus fous: donner vie à un restaurant. Cet expert en hôtellerie et restaurati­on, actuelleme­nt patron d’une agence de consulting en F&B (comprenez Food and Beverage), a pris le pari osé d’implanter le bao sur la scène culinaire genevoise. Le bao, quèsaco? Une brioche à la vapeur, originaire du nord de la Chine, qui joue des coudes aux côtés des burgers, tacos et autres bagels. Et qui est en passe de conquérir le coeur de tous les foodies.

Agrémenté de multiples combinaiso­ns de farce, ce petit pain tout blanc à base de farine de blé s’exporte dans la culture occidental­e par le plus grand des hasards, tout d’abord à New York, grâce au chef David Chang. Alors que son restaurant Momofuku est à deux doigts de la faillite, il décide de se libérer des codes de la cuisine. En désespoir de cause, le chef d’origine coréenne lance ses petits pains fourrés de poitrine de porc caramélisé­e. Le succès est fulgurant au point qu’une interminab­le file d’attente se forme au quotidien devant l’entrée du restaurant avant chaque service.

BAO ÉTOILÉ

«Nos brioches ne sont que de simples sandwichs. Et dire que les gens ont tellement peur du gras. C’est à ni rien comprendre. Ce n’est pas comme si nous avions réinventé la roue», expliquait-il en 2010 au quotidien The Guardian. La success-story a depuis fait son chemin. A ce jour, David Chang est propriétai­re d’une dizaine de restaurant­s variant du simple comptoir rapide au restaurant étoilé Michelin.

Une traversée de l’Atlantique suffit pour retrouver le même engouement à Paris. A deux pas du Musée du Louvre, dans le prolongeme­nt du très chic Faubourg Saint-Honoré, le restaurant Yam’Tcha est devenu une halte incontourn­able pour tout gourmet désireux de découvrir une cuisine française à l’accent chinois bien prononcé. Adeline Grattard, cheffe étoilée Michelin et star participan­te de la troisième saison de la série Chef ’s Table sur Netflix, propose un bao fourré de stilton et de cerises amarena. Une bombe gustative qui marie subtilemen­t le sucré et le salé.

LE SECRET DE LA PÂTE

A en croire la tendance, le bao semble être un mets exclusivem­ent attractif au sein de la haute gastronomi­e. Et pourtant, ce morceau de bonheur asiatique, à l’allure d’un nuage et à la texture aérienne, n’est rien d’autre qu’un snack. «C’est moins copieux qu’un burger, observe Adeline Grattard. Le bao se mange traditionn­ellement dans la rue. Il ne nécessite aucun service ni couvert. D’ailleurs, les Chinois le dégustent sur le pouce et à tout moment de la journée.» Mais on trouve également ces petits trésors au Vietnam, en Thaïlande, aux Philippine­s et même au Japon. Toujours la même ambiance, celle de la rue. Loin des nappes blanches, le style est au stand improvisé. Un festival culinaire où le bitume réunit toutes les classes sociales autour d’une miche de pain encore brûlante.

Le secret de son succès? Tout est dans la texture unique de sa pâte. Un aspect aussi délicat que de la soie et aussi doux que du coton. Une prouesse technique qui nécessite de la recherche, de la patience et de nombreux essais (souvent infructueu­x). Alors que les Vietnamien­s le confection­nent avec de la farine de riz, la cheffe parisienne le prépare avec de la farine de blé. «Il faut toujours un peu de gluten, car sinon le pain ne lève pas. La pâte doit être extrêmemen­t légère et quasiment ressembler à la texture d’un soufflé. En résumé, c’est une pâte à pain cuite à la vapeur qui doit gonfler et lever.»

BRIOCHE SENSUELLE

Retour sur la rive gauche de Genève où David Davinroy fignole les derniers réglages avant l’ouverture du Bao Canteen. A quelques heures de l’ouverture, une caisse enregistre­use fait des siennes, une structure de luminaires reste à monter, une arcade à nettoyer. Alors, stressé? Même pas. David Davinroy a découvert ces sandwichs lors d’un voyage à Taïwan, au fond des ruelles de Taipei. Et en tombe éperdument amoureux. «Ce pain a un côté sensuel lorsqu’on le touche. La façon de le manger est ancrée dans nos habitudes: son format est petit, pratique et ses recettes peuvent se décliner à l’infini. Au final le bao répond au mode de vie d’aujourd’hui; il se fabrique rapidement, il est léger (le pain est beaucoup plus digeste que celui d’un burger) et son prix est attractif.»

Côté rive droite, maintenant, où Cécilia Zapata, prêtresse romande de la cuisine péruvienne, vient de lancer une sélection de baos dans son antre de la cuisine nikkei (mélange d’influences gastronomi­ques japonaises et péruvienne­s) situé au coeur des Pâquis. Enfant, elle découvre ce trésor dans le quartier chinois de Lima lors de ses nombreux périples gustatifs en compagnie de son père. A l’instar de la cuisine nikkei, la cheffe s’inspire des traditions chifa (cuisine péruvienne associée à la cuisine chinoise) pour la confection de ses brioches. Au restaurant Kampai, le Chicharron garni de poitrine de porc cuite pendant douze heures est accompagné d’une sauce montée comme une mayonnaise agrémentée de piments jaunes et de gingembre. La version de la mer est le Pescado et son poisson en tempura accompagné d’une julienne de légumes et le Carne composé de filet de boeuf miso, soja et sauce tartare nikkei.

 ?? (NICOLAS RIGHETTI/LUNDI13 POUR LE TEMPS) ?? David Davinroy, patron du Bao Canteen qui vient d’ouvrir à Genève.
(NICOLAS RIGHETTI/LUNDI13 POUR LE TEMPS) David Davinroy, patron du Bao Canteen qui vient d’ouvrir à Genève.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland