SUR LES BANCS DE L’ÉCOLE… ET DANS LES PRÉS
Pimpante ou chuchotante, la rentrée scolaire se décline en tonalités diverses au gré des humeurs des créateurs
La seule école de l’île aux Moutons est menacée par un décret ministériel: désormais, et pour cause d’économies, les classes comptant moins de 30 écoliers fermeront.Or ils sont 29, tous niveaux confondus, les élèves de mademoiselle Badaoet.
Que faire pour éviter le départ des enfants sur le continent? Où trouver ce trentième élève?Inspiré d’un fait réel, L’incroyable histoire du mouton qui sauva une
école (dont le titre répond à la question à peine énoncée) est un joyeux roman imprimé en bleu mer qui, pour les illustrations, s’adjoint l’éclat d’un orange fluo: le travail graphique de Pauline Kerleroux est sobre et pimpant à la fois.
Quant au texte signé Thomas Gerbeaux, qui mêle l’ironie à la satire et n’hésite pas (comme ce fut le cas lors de la vraie aventure bretonne) à prénommer le ruminant Vincent en hommage à un ministre concerné par l’affaire, il se lit avec le plaisir de ceux qui savent que tout ira bien pour les îliens et… difficilement pour les représentants de l’autorité, malmenés et ridiculisés comme il se doit.
Une joyeuse aventure iodée, qui valorise les petites communautés et leur sens de l’entraide, et jette un regard peu flatteur sur les diktats venus de loin, venus de haut – et ceux qui essaient de les appliquer.
IMMERSION SENSIBLE
Sous d’autres latitudes, C’est bien trop long à raconter se concentre sur le jour J, ce rituel tant attendu ou redouté: une maman n’apprendra pas grand-chose sur le retour de sa fille sur les bancs de l’école, mais le lecteur, lui, sait tout, car il l’a suivie pas à pas au long de cette journée. Ici, pas de classes encombrées de jeux et de dessins bariolés, pas de récréations pleines de cris et de courses. L’album propose des correspondances, des atmosphères. On est dans l’évocation feutrée, murmurée, dans la relecture poétique et onirique des instants, dans le déchiffrage généreux des personnalités: «Il confond treize et seize, grenouille et coccinelle», «Elle fait la tête, refuse ce qui n’existe pas encore, dit c’est moi qui l’inventerai!»
«Il», «elle» et «tu», la fillette autour de qui le récit se construit: autant de personnalités saisies en quelques mots par Isabelle Damotte et illustrées avec beaucoup de délicatesse et d’expressivité par Monica Barengo, qui emplit les doubles pages de dessins aux cadrages audacieux et aux teintes sobres.