Mike, victime de la violence policière?
L’autopsie du Nigérian de 40 ans, décédé en mars dernier au lendemain d’un contrôle policier, exclut la thèse d’une overdose et évoque des mesures de contrainte disproportionnées
Les circonstances de la mort de Mike Ben Peter, en marge d'un contrôle de police à la gare de Lausanne, se précisent. Selon le rapport d'autopsie que l'avocat de la famille, Me Simon Ntah, a pu consulter, le Nigérian de 40 ans serait décédé des suites d'une arrestation violente et non pas d'une overdose comme l'avaient laissé entendre les agents vaudois. Contrôlé pour «comportement suspect» le 28 février dernier, l'homme se trouvait en possession de cocaïne. Après avoir été brutalement plaqué au sol, il avait été transporté, inconscient, au CHUV où son décès était survenu le lendemain. L'affaire avait suscité un élan de colère au sein de la communauté noire et au-delà, donnant lieu à plusieurs manifestations.
Compte tenu de ces révélations, Me Simon Ntah a demandé au Ministère public vaudois une mise en prévention pour homicide intentionnel par dol éventuel des six agents présents lors de l'arrestation de son client. Jusqu'ici, ces derniers étaient sous le coup d'une enquête pénale pour homicide par négligence. «Le constat médical fait état d'importants hématomes au niveau des organes génitaux, précise l'avocat, mais surtout, il exclut catégoriquement la thèse de la cocaïne. Il apparaît clairement que l'arrêt cardiaque a été provoqué par des mesures de contraintes disproportionnées et un stress intense lié à l'interpellation.» Selon le rapport, Mike a été placé en position de «décubitus ventral», face contre terre, mains dans le dos et jambes relevées.
Dans 24 heures, l'avocate d'un des policiers évoque l'état de santé de Mike, précisant qu'il «souffrait de troubles du rythme cardiaque et d'une pathologie cardiaque étonnante pour une personne de cet âge-là». Un argument non pertinent pour Simon Ntah: «S'il n'avait pas été arrêté, Mike ne serait pas décédé.» Pour l'avocat, l'affaire est révélatrice de maux plus profonds: des violences teintées de racisme, de plus en plus récurrentes au sein de la police vaudoise.
Depuis deux ans, l'institution vaudoise est, il est vrai, sous le feu des critiques. En cause: une série d'arrestations controversées qui ont abouti, pour certaines, à des décès encore inexpliqués. Avant de défiler en hommage à Mike, des centaines de personnes s'étaient mobilisées pour Lamine Fatty, Gambien de 23 ans et Hervé Mandundu, Congolais de 27 ans.
En situation irrégulière en Suisse, Mike Ben Peter vivait à la Blécherette dans un immeuble occupé par le collectif Jean Dutoit qui défend les migrants sans papiers. Dans un communiqué, le collectif appelle aujourd'hui à «ce que les violences policières et le racisme dans les institutions suisses soient enfin reconnus et combattus».
Pour Frédéric Maillard, analyste des pratiques policières, les dérives restent minoritaires au sein de l'institution. «Il n'empêche, l'usage de la force sur le terrain est parfois mal maîtrisé», reconnaît-il. A ses yeux pour deux raisons: l'incapacité à lâcher prise lorsqu'une interpellation tourne mal et la difficulté à se remettre en question lorsqu'on a manqué de proportionnalité. «Une minorité d'agents pensent jouer leur carrière sur une arrestation et, parfois, en font trop. Certains auront tendance à prendre plus de libertés avec des migrants parce qu'ils les savent vulnérables. D'autres, désabusés par une justice jugée laxiste, seront tentés d'en découdre par eux-mêmes.»
Alors que les affaires se succèdent dans le canton, le manque de transparence et l'absence de statistiques sur les violences policières exacerbent encore les tensions. Pour Frédéric Maillard, un organe indépendant de recours et de vérification est plus que jamais nécessaire: «Rendre des comptes fait partie intégrante du travail policier.»
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Manifestation pour Mike Ben Peter le 10 mars à Lausanne.