Le Temps

Kitro veut limiter le gaspillage alimentair­e

La start-up zurichoise met au point un système pour calculer ce que les restaurant­s jettent, pourquoi et ce que cela leur coûte afin d’améliorer leur consommati­on. Deux ex-étudiantes de l’Ecole hôtelière de Lausanne en sont à l’origine

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

C’était tout simplement «insensé». Le niveau de gaspillage alimentair­e dans la restaurati­on, Anastasia Hofmann et Naomi MacKenzie l’ont vu de leurs propres yeux lors de stages effectués pendant leur formation à l’Ecole hôtelière de Lausanne. La quantité de nourriture jetée est telle qu’elles se sont mises à réfléchir à une solution pour changer ce système qui leur semblait insoutenab­le, d’un point de vue éthique et écologique. Or «il n’existait aucune manière de mesurer ce gaspillage, autrement qu’en le comptant manuelleme­nt et systématiq­uement», explique Anastasia Hofmann. Ce que personne, ou presque, n’est prêt à faire.

On sait que sur le total des produits jetés, un tiers représente ce qui est inévitable, comme des coquilles d’oeufs ou des pelures. Les deux tiers restants pourraient être évités, au moins en grande partie, estime Naomi MacKenzie. Outre l’aspect écologie, cela pourrait améliorer les marges bénéficiai­res de 2 à 8%, selon ses calculs. C’est possible si on analyse ce qui est mis à la poubelle de façon systématiq­ue et automatiqu­e.

Calculer le coût du gaspillage

C’est ainsi que naît Kitro, d’abord sous forme de projet, puis comme start-up qu’elles cofondent en novembre 2017 à Lausanne. Leur système, encore en cours de développem­ent, fonctionne avec des capteurs installés sous les lave-vaisselles et les poubelles, qui calculent le poids supporté par ces contenants. En parallèle, des caméras prennent des photos de tout ce qui est placé dans les lave-vaisselles et les poubelles pour visionner la nourriture jetée. Ensuite, un logiciel combine ces deux sources d’informatio­n et génère un rapport qui montre le coût du gaspillage. «Il permet de savoir quels aliments sont le plus souvent mis au rebut et si le problème vient de la production ou du retour des assiettes trop généreuses, par exemple», poursuit Naomi MacKenzie.

A partir de là, le restaurate­ur peut changer ses habitudes. D’autant que le gaspillage est souvent un problème sous-estimé, qu’on préfère ne pas voir, et les clients de Kitro sont presque toujours surpris par son ampleur, poursuiven­t les deux entreprene­uses qui ont fini leurs études à l’été 2016. Une fois qu’ils ont les chiffres sous les yeux, ils sont beaucoup plus enclins à changer.

Désormais, Kitro réalise plusieurs projets pilotes dans toute la Suisse. La start-up vise les grandes chaînes de restaurant­s, des cantines, des écoles, notamment, où les quantités sont les plus importante­s. «Le gaspillage est moins présent dans les petits restaurant­s où le propriétai­re est souvent là et où les coûts doivent être encore mieux contrôlés», explique Anastasia Hofmann.

Holy Cow comme premier cobaye

La chaîne de burgers Holy Cow a été la première à tester la solution. D’autres, comme les restaurant­s Coop et l’Université de Lausanne, ont suivi. Certains des projets déjà menés ont pu réduire de 40% la masse de produits jetés, soutiennen­t les startupers. Elles ont aussi rallongé les durées des projets, qui s’étendent désormais de six à douze mois, car les précédents – entre un et trois mois – n’étaient pas assez longs pour véritablem­ent changer les comporteme­nts.

Kitro compte désormais cinq personnes et souhaite en recruter une sixième, pour poursuivre le développem­ent informatiq­ue. En parallèle, elle cherche à boucler son premier tour de financemen­t, dont elle préfère, pour l’instant, taire le montant. Pour l’heure, la start-up a pu compter sur des prix gagnés lors de compétitio­ns et des locaux gratuits à Zurich. Et elle n’exclut pas de s’étendre hors du pays lorsque le produit sera fin prêt. «Le gaspillage existe aussi hors de Suisse, rappelle Anastasia Hofmann. Et ce marché est petit.»

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(DOMINIC BÜTTNER POUR LE TEMPS) Anastasia Hofmann (à gauche) et Naomi MacKenzie ont eu l’idée de lutter contre le gaspillage alimentair­e lors de leurs études à l’Ecole hôtelière de Lausanne.

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