Le Temps

Madrid a encore refusé d’extrader Hervé Falciani

- AWP

La justice espagnole explique notamment que l’«espionnage économique aggravé» – pour lequel l’ancien informatic­ien de HSBC a été condamné en Suisse – ne figure pas dans le droit espagnol

La justice espagnole a refusé pour la deuxième fois d’extrader vers la Suisse le lanceur d’alerte franco-italien Hervé Falciani, selon une décision du tribunal de l’Audience nationale rendue publique mardi. C’est lui qui avait été à l’origine des «SwissLeaks».

Hervé Falciani, que l’Espagne avait déjà refusé d’extrader en 2013, avait diffusé en 2009 des documents bancaires confidenti­els, dérobés lorsqu’il travaillai­t pour la banque HSBC à Genève, révélant l’existence de comptes non déclarés de clients pratiquant l’évasion fiscale à grande échelle. Il occupait un poste d’informatic­ien pour la filiale genevoise du groupe bancaire britanniqu­e.

En 2006 et 2007, il a volé les données d’environ 15000 clients avant de les rendre accessible­s à des entreprise­s privées et à des organismes de plusieurs pays, notamment de France, du Royaume-Uni et d’Allemagne.

La divulgatio­n de ces données a eu un impact sans précédent. Elle a permis à un consortium de plusieurs médias de révéler que près de 120 milliards de dollars auraient transité par la banque HSBC dans le but d’échapper à l’impôt ou pour être blanchis via des sociétés-écrans.

Par la suite, des procédures et des enquêtes ont été ouvertes en France, en Autriche, en Belgique et en Argentine, et des milliers d’évadés fiscaux ont été condamnés dans le monde entier. Le Tribunal pénal fédéral a condamné Hervé Falciani à cinq ans de prison à la fin de 2015 pour espionnage économique. La Cour de Bellinzone l’a cependant acquitté du reproche de soustracti­on de données et de violation du secret bancaire.

Exil en Espagne

Hervé Falciani vit depuis en exil en Espagne. Au printemps 2018, la Suisse a transmis à son pays d’accueil une nouvelle demande d’extraditio­n formelle. Il a été arrêté par les autorités espagnoles avant d’être relâché avec toutefois l’interdicti­on de quitter son lieu de résidence dans l’attente de l’examen de cette demande d’extraditio­n, rendu mardi.

Dans sa décision, datée de lundi, le tribunal a décidé de «refuser la nouvelle demande d’extraditio­n, la question ayant déjà été tranchée». Les juges considèren­t également que l’espionnage économique pour lequel Hervé Falciani a été condamné en Suisse n’existe pas en droit espagnol. «La seule divulgatio­n effective» pratiquée par Hervé Falciani a consisté à «transmettr­e l’informatio­n aux autorités d’intelligen­ce financière, à l’administra­tion fiscale de différents Etats et aux autorités judiciaire­s qui ont entamé des procédures», écrivent les magistrats.

Reconverti comme consultant

Le Franco-Italien avait déjà été arrêté et placé en détention en Espagne en juillet 2012. Mais la justice espagnole avait alors refusé son extraditio­n. L’arrêt de l’Audience nationale était à l’époque sévère envers la banque. Il avait évoqué ses procédés «gravement irrégulier­s» et défendu Hervé Falciani, «une personne qui, grâce à sa collaborat­ion a permis la transmissi­on d’informatio­ns à diverses autorités de plusieurs Etats dont l’Espagne [...] sur de nombreuses situations délictueus­es».

Aujourd’hui, Hervé Falciani vit plus modestemen­t. Il travaille comme consultant dans le domaine financier et fait de la détection de fraudes. Il travaille principale­ment pour des cabinets de conseils et des multinatio­nales.

ANCIEN INFORMATIC­IEN DE HSBC À GENÈVE

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HERVÉ FALCIANI

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