Le Temps

Les patrons mangent beaucoup plus sainement qu’autrefois. Nos offres d’emploi

Le chef d’entreprise bon vivant d’il y a vingt ans a laissé la place à une figure soucieuse de sa ligne et de sa santé. En termes de régime alimentair­e, le changement est net

- STÉPHANIE DE ROGUIN (LARGENETWO­RK)

Les repas d’affaires s’éternisant jusqu’au début de l’après-midi avec plats copieux, vin et poussecafé sont-ils définitive­ment terminés? Deux études récentes – l’une de la Clinique Max Grundig et l’autre du Robert Koch-Institut en Allemagne – indiquent que les dirigeants d’entreprise sont deux fois plus souvent adeptes d’un régime végétarien ou végane que le reste de la population. Leur consommati­on d’alcool est également en net recul. Les chefs d’entreprise du XXIe siècle semblent vivre bien plus sainement qu’autrefois.

«On ne voit plus de longs repas copieux et arrosés à midi, comme c’était le cas il y a vingt ou trente ans, confirme Jean-Louis Foucquetea­u, directeur de la restaurati­on au Lausanne Palace, haut lieu des déjeuners d’affaires. Cette transition s’est faite progressiv­ement, et nous l’observons depuis huit ou dix ans, avec des repas d’affaires plus légers, avec moins de vin, voire uniquement de l’eau.»

Des menus adaptés

Comme dans tous les restaurant­s gastronomi­ques, le menu de la célèbre Table d’Edgard du Palace a été adapté: entrée, plat et dessert légers et à prix plus raisonnabl­e. De quoi ne pas dépasser les 1h30 de pause et permettre d’être productif l’après-midi. «Les sauces à la crème très calorifiqu­es ont été abandonnée­s pour des jus de sauce, renchérit Laurent Omphalius, chef du centre de séminaires Hôtel du Léman, à Jongny-sur-Vevey. Nous privilégio­ns les crudités pour les entrées, notamment en été, avec des gaspachos et des salades. Nous faisons aussi attention de varier les accompagne­ments, en proposant du quinoa, de l’Ebly [blé précuit, ndlr], au lieu d’avoir chaque jour des frites ou des pâtes.»

Avec des journées de douze ou quatorze heures de travail, un chef d’entreprise doit rester en forme et tenir le rythme. «Dans les affaires, nous ne courons pas un sprint mais un marathon, explique Patrick Delarive, multi-entreprene­ur, conseiller personnel de leaders et conférenci­er. Nous évoluons dans un environnem­ent profession­nel extrêmemen­t concurrent­iel et rapide.» D’où le besoin de se mettre au sport, parfois de manière intense, et de surveiller son alimentati­on de près. «Les dirigeants d’aujourd’hui ressemblen­t aux athlètes dans leur manière d’envisager l’hygiène de vie», ajoute Virginie Le Moigne, directrice de l’agence de communicat­ion My Playground à Lausanne.

Prise de conscience

Une idée nuancée par Mathias Rossi, professeur à la Haute Ecole de gestion de Fribourg. En 2012, il a supervisé une enquête sur les conditions de travail et la santé d’une centaine de travailleu­rs indépendan­ts et de dirigeants de petites PME. «Il existe clairement une prise de conscience sur l’importance de faire attention à sa santé, pour soi et pour ses collaborat­eurs, explique-t-il. Mais cela reste souvent une priorité secondaire. Dans les faits, les chefs d’entreprise interrogés disent ne pas avoir le temps de prendre un petit-déjeuner, être obligés d’aller manger avec des clients à midi… Ils vont mettre à dispositio­n des fruits pour leurs collaborat­eurs mais repoussero­nt leurs propres bonnes résolution­s par manque de temps. La vision opérationn­elle prend souvent le dessus.»

Patrick Delarive fait du sport trois fois par semaine en présence d’un coach, tôt le matin avant de commencer sa journée de travail. Une fois par année, il suit un jeûne thérapeuti­que d’une dizaine de jours dans une clinique spécialisé­e en Allemagne. Et s’astreint à un jeûne de vingt-quatre heures à fréquence hebdomadai­re. «J’aime la notion des deux cerveaux que sont la tête et l’estomac, dit-il. Si l’un ne fonctionne pas bien, cela a tout de suite des répercussi­ons sur l’autre.»

Des entreprene­urs plus fit, plus dynamiques… Feraient-ils également plus attention à leur image qu’avant? «Un chef d’entreprise n’est plus un type bedonnant caché dans un immense bureau en costume trois pièces, sourit Patrick Delarive. Il est le coach, l’entraîneur qui doit motiver et séduire ses équipes. On ne le dit pas, mais il s’agit implicitem­ent de transmettr­e l’idée que «si moi à mon âge, je suis en forme, vous pouvez l’être aussi!»

Une question d’image

Selon l’étude menée par Mathias Rossi, la posture du dirigeant ou l’image qu’il souhaite renvoyer a des répercussi­ons sur son comporteme­nt. La crainte existe que l’image d’un dirigeant souffrant ou affaibli laisse une mauvaise impression aux clients ou aux fournisseu­rs.

Mais le changement observé chez certains entreprene­urs s’inscrit dans une mouvance plus globale. Montée en puissance du bio, explosion des régimes sans gluten ou sans lactose, diminution de la consommati­on de viande pour des raisons environnem­entales ou éthiques. Les études soulignent que la préoccupat­ion pour une alimentati­on saine augmente avec le niveau d’études. Les classes dirigeante­s sont particuliè­rement sensibles à ces questions. L’évolution de l’espérance de vie joue aussi son rôle. Savoir que l’on a encore de longues années devant soi quand on quitte le monde du travail fait que l’on s’entretient pour pouvoir en profiter.

L’alimentati­on ne fait pas tout

«J’ai envie de manger de la viande propre, non issue de l’élevage industriel, dit Virginie Le Moigne. Dans notre entreprise, nous avons d’ailleurs mis en place un repas sans viande le lundi. Il s’agit d’une propositio­n aux collaborat­eurs, qui ne sont pas du tout obligés de la suivre. Quand nous commandons un service traiteur, nous ne prenons pas de foie gras, nous faisons attention aux provenance­s des viandes. Cela fait quinze ans que l’agence existe et depuis le départ nous avions envie de proposer des choses saines, des alternativ­es aussi.»

Mais selon l’étude menée par Mathias Rossi et son équipe, la classe dirigeante ferait globalemen­t moins attention qu’un employé à son sommeil, à son activité physique et aux contrôles médicaux. Même si les leaders font plus attention à leur forme, les vieilles habitudes demeurent, notamment en matière d’horaires.

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(MASKOT/GETTY IMAGES) Les patrons font de plus en plus attention à leur alimentati­on. Avec pour corollaire l’idée de renvoyer une image de soi plus valorisant­e.

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