L’essor du Chablais
La région, à cheval entre Vaud et le Valais, attire de plus en plus d’habitants en faisant valoir de nombreux atouts. Elle n’est pas pour autant la cité-dortoir que certains s’imaginent
C’est un bout de terre à cheval entre Vaud et le Valais, souvent oublié des administrations sises à Lausanne et à Sion. Pourtant le Chablais attire de plus en plus d’habitants en faisant valoir de nombreux atouts: un emplacement géographique idéal pas très éloigné des grands pôles économiques, qui offre des biens immobiliers à des prix abordables. En quarante ans, sa population a quasiment doublé. Mais la région n’est pas pour autant devenue une cité-dortoir. Elle se développe aussi économiquement, des deux côtés du Rhône. Etat des lieux.
«Pour les Sédunois nous sommes des Vaudois et pour les Montreusiens nous sommes des Valaisans.» Florian Jeanneret, directeur général de Radio Chablais, résume à merveille le regard que l’on peut avoir sur sa région, le Chablais. Ce bout de terre logé entre Evionnaz et le lac Léman et entre Leysin et Champéry est souvent le grand oublié des administrations sises à Lausanne et Sion. Pourtant, la région se développe à un rythme soutenu.
La barre symbolique des 100000 habitants a été franchie en début d’année. La population a ainsi quasiment doublé en près de quarante ans. «Cette expansion n’est pas recherchée par les autorités, on la subit», explique Frédéric Borloz, le syndic d’Aigle, sans pour autant percevoir cette évolution de façon négative.
Un emplacement idéal
La raison principale de cet afflux est géographique. «Le Chablais est idéalement placé. Beaucoup d’habitants de la Riviera qui souhaitent devenir propriétaires se tournent vers notre région», précise Stéphane Coppey, le président de Monthey. Les prix plus abordables et la disponibilité des biens sont autant d’atouts pour le Chablais que l’on ne retrouve pas entre Montreux et Lausanne. Le tout sans trop augmenter le temps de trajet en direction des grands pôles économiques.
Mais cela ne fait pas pour autant du Chablais la cité-dortoir que d’aucuns décrivent. La région se développe également économiquement, des deux côtés du Rhône. «Selon les gouvernements valaisan et vaudois, le Chablais est la région qui a la meilleure progression économique ces dernières années», souligne Florian Jeanneret. Secrétaire général de Chablais région, Georges Mariétan confirme: «Le nombre d’emplois est en constante progression.» Il évoque le chiffre de 38000 places de travail en 2015 dans la région, dont Monthey est la véritable locomotive. La ville offre en effet plus d’emplois qu’elle n’abrite de personnes actives.
Travailler main dans la main
Cette nouvelle réalité donne au Chablais de plus en plus d’importance. «Nous avons désormais atteint une taille critique qui nous permet de sortir de la chasse aux subventions et de chercher des solutions par nousmêmes», détaille Yannick Buttet, le président de Collombey-Muraz. Cette volonté de travailler ensemble ne date toutefois pas d’hier et s’explique facilement, pour Jean-Marc Udriot, syndic de Leysin: «Les Chablaisiens, qu’ils soient Valaisans ou Vaudois, sont éloignés de leur capitale. Durant de nombreuses années ils ont eu de la peine à se faire entendre. Et forcément, ça rapproche d’être confrontés aux mêmes problèmes.»
Plusieurs projets démontrent cette volonté des Chablaisiens de travailler main dans la main. Le plus marquant est certainement l’Hôpital Riviera-Chablais, qui regroupera dès l’année prochaine toutes les activités de soins aigus de la région à Rennaz. «Au moment de lancer l’idée de ce nouvel établissement, nos prédécesseurs s’imaginaient que la population allait croître. Aujourd’hui on ne peut que leur donner raison», se réjouit Frédéric Borloz, qui s’attend à ce que cette évolution se poursuive.
Mais qui dit expansion dit également nouveaux défis. La mobilité n’est pas le moindre. A l’heure où le tout pour la voiture devient dépassé, des transports publics de qualité sont nécessaires. Or dans le Chablais ils font actuellement défaut, souligne Pierre Zoppelletto, le président de Port-Valais: «A ce niveau-là, on est au XVIIIe siècle. Pour traverser le Rhône, on fait des temps dignes des diligences.» Plusieurs projets, comme celui de réhabilitation de la ligne ferroviaire entre le Valais et la France, celui de RER entre Monthey et Aigle ou encore le projet d’agglomération du Chablais, doivent toutefois permettre d’apporter des réponses à cette problématique.
Une identité façonnée par l’éloignement et la proximité
Ces projets doivent également maintenir un certain niveau d’attractivité. Frédéric Borloz reconnaît qu’il est «important de conserver de bonnes infrastructures et des services de qualité dans la région, sous peine de devenir une région sans identité». Car, si elle n’est simple à définir pour personne, l’identité chablaisienne existe bel et bien. Elle est façonnée par deux éléments antagonistes: l’éloignement et la proximité. La distance qui sépare le Chablais des capitales cantonales a fait naître un «esprit un peu frondeur», selon Stéphane Coppey. «De temps en temps, il faut secouer le cocotier pour rappeler qu’on existe», image-t-il. La contiguïté entre les cantons de Vaud et du Valais, ainsi que la France, termine de façonner cette identité. «On tire le meilleur de chaque côté», rigole Georges Mariétan.
Mais cela n’a pas toujours été ainsi. Si aujourd’hui le Rhône est un trait d’union, autrefois il était une frontière. Un événement a joué un rôle crucial dans le rapprochement chablaisien: la naissance de la radio régionale au début des années 1980. Tout ne s’est pas fait en un claquement de doigts, rappelle Florian Jeanneret: «Cela a pris une vingtaine d’années de travail pour que les Valaisans n’appellent plus leurs voisins les «culs de Vaudois».
▅
Si elle n’est simple à définir pour personne, l’identité chablaisienne existe bel et bien