Le Temps

La recherche à la peine sur la voie européenne

- JOCELYN DALOZ, BERNE @jocelyn_daloz

La participat­ion helvétique au programme-cadre européen de recherche Horizon 2020 a souffert du vote contre l’immigratio­n en 2014: l’UE a soutenu 2000 projets de moins

Les chiffres sont sans appel. Entre 2008 et 2014, l’Union européenne a financé près de 4323 projets suisses dans le cadre d’Horizon 2020, son programme-cadre de soutien à la recherche et l’innovation. La somme totale s’est élevée à 2,5 milliards de francs. Depuis 2014, elle n’a soutenu plus que 1942 initiative­s suisses en versant 654 millions. Le coût total de ces projets, 1,14 milliard, a été complété par la Confédérat­ion.

En chiffres relatifs, la participat­ion suisse et la part des montants ont baissé de 0,8% sur l’ensemble des projets soutenus par le budget considérab­le d’Horizon 2020. Le Secrétaria­t d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), auteur d’un rapport consacré à ce sujet publié jeudi, souligne toutefois qu’un bilan complet ne pourra être établi qu’à l’issue du programme, qui se terminera en 2020.

Un tiers de la recherche suisse financée par l’UE

Les scientifiq­ues ont toujours souligné l’importance cruciale de leur participat­ion aux programmes de l’UE. S’ils mettent en avant les bienfaits de la collaborat­ion et de la compétitiv­ité sur la qualité des travaux scientifiq­ues, l’aspect pécuniaire représente aussi un attrait non négligeabl­e pour la recherche suisse, qui est financée pour un tiers par les fonds européens.

La diminution drastique de la participat­ion à Horizon 2020 est la conséquenc­e directe de la décision populaire du 9 février 2014 sur l’immigratio­n. Immédiatem­ent après le vote, Bruxelles a en effet décidé de geler les négociatio­ns pour son nouveau programme, estimant la décision en contradict­ion avec la libre circulatio­n des personnes.

Néanmoins, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann a trouvé un compromis: de 2014 à 2016, la Suisse a obtenu un accès partiel à Horizon 2020, ce qui induit la baisse de participat­ion et des fonds alloués. L’accès futur et l’adhésion complète au programme devaient dépendre des décisions que le Conseil fédéral devait prendre sur l’applicatio­n de l’initiative du 9 février. En 2016, le Conseil fédéral a finalement étendu la libre circulatio­n à la Croatie, autre objet de litige entre Berne et Bruxelles. Dès lors, la Suisse a pu réintégrer le programme de recherche en 2017.

La toute-puissance européenne

Les programmes-cadres représente­nt une épée de Damoclès régulièrem­ent brandie par l’UE. En effet, les chercheurs britanniqu­es craignent également de se voir privés de financemen­t en rapport avec le Brexit.

Il faut dire que les fonds européens sont colossaux: la nouvelle mouture des programmes-cadres pour les années 2021-2027, Horizon Europe, prévoit d’allouer près de 100 milliards d’euros. De plus, ces programmes suscitent des effets de réseaux importants: obtenir des fonds européens est également une question de prestige, selon le secrétaire d’Etat Mauro Dell’Ambrogio. «C’est l’instrument par excellence pour soutenir la recherche. Si nous n’en faisons pas partie, nous serons très désavantag­és par rapport à nos voisins», explique-t-il. Or, il est pour l’instant difficile de se projeter au-delà d’Horizon 2020: entre les élections européenne­s, le Brexit et le dossier épineux de l’accord-cadre institutio­nnel, la recherche suisse naviguera en eaux troubles encore un certain temps.

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