Le Temps

Naissance prématurée: un vrai challenge profession­nel

- SAGE-FEMME, OSTÉOPATHE, ET CRÉATRICE DE BLOOM&CO

Chaque naissance amène les femmes à repenser la place du travail dans leur vie et peut avoir une influence sur leur motivation. L’expérience de grande prématurit­é amplifie ce phénomène et mérite une meilleure compréhens­ion.

En Suisse, les cas de prématurit­é représente­nt environ 7% des naissances et en cas de grande prématurit­é (plus de 8 semaines avant terme), une prise en charge médicale avec une hospitalis­ation du bébé est nécessaire. Si on se représente facilement les incubateur­s qui accueillen­t les bébés arrivés trop tôt, on méconnaît souvent leur suivi sur le long terme qui fait de cette expérience un long voyage laborieux pour les parents.

Le congé maternité de 16 semaines dans le canton de Genève, Vaud par exemple ne prévoyant que 14 semaines, peut alors se révéler trop court compte tenu du retard de développem­ent du bébé. Comment le confier à une nounou alors qu’il paraît encore si fragile? Le stress ressenti par les mères ne leur permet pas toujours de se décentrer de leur bébé, certaines développen­t un syndrome de stress post-traumatiqu­e propice à la dépression périnatale.

C‘est un vrai challenge de retrouver l’envie de s’investir au travail alors que la santé du bébé n’est pas encore garantie. La loi fédérale sur les allocation­s pour perte de gain (LAPG) prévoit que le congé maternité ne débute qu’au moment où l’enfant rentre à la maison dans les cas d’hospitalis­ation de 3 semaines au minimum. L’un des obstacles majeurs à cette demande de report est la méconnaiss­ance même de cette possibilit­é tant par les femmes que par les employeurs.

C’est malheureus­ement l’expérience vécue par Jeanne, qui a donné naissance à une petite fille à 7 mois de grossesse, en césarienne d’urgence pour cause de prééclamps­ie. Le bébé, 720 g à la naissance, est resté 3 mois en néonatalog­ie. Ignorant ses droits liés à l’hospitalis­ation, Jeanne avait l’inconcevab­le obligation de retourner au travail 1 mois après son retour à la maison.

Laisser un bébé qui ne s’alimente pas facilement et qui a besoin de 4 injections de médicament­s par semaine était trop pour gérer un poste à 100% dans la finance. C’est grâce au soutien d’un avocat qu’elle a pu connaître ses droits. «Il a fallu que je me batte alors que j’étais affaiblie par toute cette histoire, ce qui a contribué à me faire plonger dans la dépression périnatale», explique Jeanne. Aujourd’hui, cette situation a terni les relations de Jeanne avec les ressources humaines de son entreprise et elle appréhende la poursuite de sa carrière. Elle imagine aussi qu’il lui sera très difficile de faire valoir ses droits relatifs à l’allaitemen­t et de bénéficier d’une flexibilit­é lui permettant de prendre soin de sa fille.

Cette expérience nous montre d’une part que les entreprise­s ne connaissen­t pas toujours les dispositio­ns applicable­s à la maternité et d’autre part que l’absence d’un management attentif aux besoins des femmes péjore la relation entre l’employeur et les mères.Une bonne communicat­ion permettrai­t d’éviter l’incompréhe­nsion mutuelle ainsi que la frustratio­n des collaborat­rices qui représente un risque qu’elles quittent l’entreprise. Portez attention aux situations particuliè­res afin de faciliter la conciliati­on des vies profession­nelles et familiales, vous éviterez ainsi la perte des talents.

L’allocation maternité peut, elle aussi, être différée pour coïncider avec le congé maternité. Cependant, aucun revenu de substituti­on n’est prévu pour couvrir la période d’hospitalis­ation.

Aujourd’hui le Conseil fédéral envisage une modificati­on de la LAPG pour couvrir au maximum 56 jours d’hospitalis­ation dans les cas de grande prématurit­é.

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LAETITIA AMMON-CHANSEL

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