Le Temps

L’agence antidopage russe Rusada en liberté surveillée

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L’Agence mondiale antidopage (AMA) a confirmé jeudi vouloir lever la suspension de l’agence antidopage russe. Une décision très décriée

L’Agence mondiale antidopage (AMA) a décidé jeudi de lever la suspension de l’agence russe antidopage Rusada, frappée de sanctions pour le système de dopage institutio­nnel ayant eu cours en Russie entre 2011 et 2015, a annoncé l’AMA sur son compte Twitter.

Réuni aux Seychelles, le comité exécutif de l’AMA «a décidé de rétablir la Rusada comme conforme au Code mondial antidopage et ce, seulement sous strictes conditions», a déclaré le président de l’AMA, Craig Reedie, cité sur le compte Twitter officiel de l’institutio­n.

Le comité exécutif a décidé d’une date butoir – non précisée – d’ici à laquelle la Rusada devra donner accès à l’AMA à ses échantillo­ns et ses données provenant de son laboratoir­e de Moscou. Si cette date n’était pas respectée, le comité exécutif a pris un «engagement clair» à suspendre de nouveau l’agence russe, selon la même source.

Trois ans de suspension

L’accès à ces données et échantillo­ns était initialeme­nt une des conditions préalables à la levée des sanctions contre la Rusada. Mais l’AMA avait annoncé la semaine dernière avoir reçu une recommanda­tion interne pour lever la suspension de la Rusada, décidée en novembre 2015.

L’agence russe avait été suspendue le 18 novembre 2015, au début d’un scandale ayant révélé l’existence d’un système institutio­nnel de dopage en Russie entre 2011 et 2015. Accusée d’avoir couvert des cas de dopage, l’ensemble de la direction de Rusada a depuis été remplacée et l’agence russe est devenue une organisati­on indépendan­te du gouverneme­nt russe. Les autorités ont de leur côté durci la politique antidopage, introduisa­nt une responsabi­lité pénale au fait de se doper. En février 2016, l’AMA avait autorisé la Rusada à mener de nouveau des programmes de contrôle antidopage, sous tutelle de l’agence antidopage britanniqu­e.

«Dévastateu­r pour le sport propre»

Malgré cela, cette annonce a valu à l’AMA un déluge de critiques sur son indulgence supposée. Comités de sportifs, agences antidopage et de nombreuses voix, surtout aux Etats-Unis et en Europe occidental­e, ont exhorté l’AMA à ne pas lever les sanctions contre la Russie. «Tout compromis serait dévastateu­r pour le sport propre», ont par exemple mis en garde dans une déclaratio­n conjointe sept des dix-sept membres du comité des sportifs de l’AMA.

L’avocat de l’ancien directeur du laboratoir­e de Moscou, Grigory Rodchenkov, principal témoin du système de dopage en Russie, et qui vit aujourd’hui aux Etats-Unis sous le régime de protection accordé aux lanceurs d’alerte, a estimé dans un communiqué qu’il s’agissait là de «la plus grande trahison de l’histoire olympique contre les athlètes honnêtes».

Enjeu capital pour Moscou

L’enjeu de la levée des sanctions est crucial pour Moscou. Au-delà de son image dans le sport, elle aura sans nul doute des effets en cascade, par exemple sur la Fédération internatio­nale d’athlétisme (IAAF), qui a banni la Russie depuis 2016. En outre, les fédération­s internatio­nales doivent théoriquem­ent aussi en tenir compte dans l’attributio­n des compétitio­ns à la Russie.

A Moscou, Olga Golodets, vice-premier ministre russe en charge des Sports, a immédiatem­ent «salué» cette décision. «La Russie confirme son attachemen­t aux principes d’un sport propre. Ces dernières années, un énorme travail a été effectué en Russie pour créer des conditions transparen­tes et claires» de lutte contre le dopage, a-t-elle déclaré, citée par des agences de presse russes. Le patron de la Rusada, Iouri Ganous, a de son côté salué un «premier pas», disant espérer que «nous avons commencé à tourner cette page sombre du sport russe et soviétique».

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