Face au mensonge
Tout le monde a été confronté au mensonge. Que ce soit enfant ou adulte, nous nous sommes tous retrouvés face à quelqu’un qui nous menait en bateau. Nous pouvons nous laisser abuser dans le cadre d’un canular, d’une mise en scène ou tout simplement face à quelqu’un qui «cache une partie de la vérité». La raison tient au fait que nous nous trouvons la plupart du temps complètement démunis face à un menteur patenté.
Immédiatement après le 11-Septembre, plusieurs institutions financières ont conseillé à la bourse américaine de ne pas réouvrir par crainte d’un krach. Il y avait, parmi elles, celle fondée par Bernard Madoff qui, sept ans plus tard, fera plonger les marchés à cause de la plus grande fraude jamais commise. Comment imaginer que quelqu’un qui faisait autorité quand le monde entier était dans une émotion considérable se trouvait à la tête d’une arnaque à 50 milliards de dollars?
Notre système de valeurs fait que nous n’acceptons qu’avec difficulté de reconnaître que quelqu’un à qui nous attribuons une certaine autorité nous mente. Steve Jobs abusait de ce talent: ses biographes parlent tous de sa capacité à créer autour de lui ce fameux «champ de distorsion de la réalité», un pouvoir que seuls détiennent les personnalités d’une double ration de charisme à la naissance. Le fondateur mentait-il? Non, mais il vous faisait voir la réalité à travers ses yeux, une sorte de vérité alternative avant l’heure.
Le mensonge est partout. Dans la cour de récré, à la maison, au travail comme en politique et c’est insupportable pour ceux qui en sont les victimes. L’actualité le montre avec les affaires Maudet en Suisse ou Kavanaugh aux Etats-Unis. La technologie peut-elle nous aider à débusquer les faux, les hypocrites, les baratineurs? Rien n’est moins sûr. Il faut tout d’abord dire la vérité et ne pas mentir (ce serait un comble). Le détecteur de mensonge n’a jamais marché. Nous le connaissons tous sous la forme du polygraphe, qui sert à mesurer les réactions physiologiques d’un sujet passé à l’interrogatoire. Parfait pour une série B, une émission de téléréalité ou une animation dans une foire, peu concluant pour passer au gril un indélicat. Son inventeur, le psychologue Charles Moulton, a par ailleurs créé… Wonder Woman. Si ce n’est pas le signe d’une imagination sans limite…
Le mensonge persuade même celui qui ment. C’est en tout cas ce que montre une étude de 2016: plus on ment, plus on s’immunise contre la violation de la vérité. Cette dérive a ainsi mené le ministre français Jérôme Cahuzac à dire, les yeux dans les yeux, à la nation française, qu’il n’avait jamais eu de compte en Suisse. Peut-être que lui-même y croyait à ce moment-là. Et dans ce cas-là, un polygraphe n’y aurait justement vu que du feu. ■