Entre les deux Corées, la diplomatie de la télécabine
Le président nord-coréen a finalement obtenu les télécabines dont il rêvait. Elles sont de fabrication austro-suisse
C’est une publicité dont la société de remontées mécaniques Doppelmayr/ Garaventa se serait bien passée. L’entreprise austro-suisse a équipé malgré elle le mont Paektu, un volcan sacré aux confins de la Corée du Nord, que les leaders des deux Corées ont choisi pour mettre en scène ce jeudi leur rapprochement.
Après avoir pris la pose au sommet du mont Paektu, à 2750 mètres d’altitude, le Nord-Coréen Kim Jong-un et le Sud-Coréen Moon Jae-in sont descendus en télécabine au bord du lac cristallin qui emplit l’ancien cratère. Sur les photos officielles, on voit les deux couples présidentiels tout sourire papotant dans une petite cabine. L’installation a fière allure, rien à voir avec la télécabine vieillotte qui apparaissait sur d’anciennes photos du lieu.
«Nous n’avons rien vendu à la Corée du Nord. Nous respectons les sanctions internationales», défend Julia Schwärzler, porte-parole de Doppelmayr. Mais comment ces télécabines sont-elles arrivées jusqu’au mont Paektu? D’autant que l’ONU interdit depuis des années l’exportation de tels équipements, considérés comme des biens de luxe, à la Corée du Nord.
Ayant étudié à Berne pendant son adolescence, Kim Jong-un voulait faire de son pays une destination de sports d’hiver. Il s’était tout naturellement tourné vers la Suisse pour assouvir ses ambitions. Le marché était presque conclu. Mais, en 2013, Berne avait bloqué les livraisons. Le dictateur nord-coréen s’est manifestement débrouillé autrement. En montant dans sa télécabine cette semaine, il savourait sa revanche. Mais, à y regarder de plus près, les cabines du mont Paektu ne sont pas si rutilantes. On y distingue une inscription effacée.
D’Ischgl à la Chine
Cet indice a permis aux journalistes de NK News, un site spécialisé sur la Corée du Nord basé à Séoul, de remonter la filière jusqu’à Ischgl (l’inscription effacée par les Nord-Coréens). La station de ski tyrolienne a renouvelé ses installations au début des années 2000. Une fois démontées, les anciennes cabines ont été vendues à une société autrichienne. Laquelle les a cédées en Chine. La chaîne exacte des intermédiaires jusqu’en Corée du Nord demeure un mystère et le fabricant austro-suisse Doppelmayr/Garaventa assure être étranger à cette cascade de transactions.
■