CarPostal: cantons romands mi-figue mi-raisin
CarPostal rembourse 205,3 millions aux collectivités publiques suisses. Les conseillers d’Etat de Suisse romande sont satisfaits que la transparence soit faite, mais restent amers
C’est un sentiment mitigé qui anime les conseillers d’Etat romands chargés des Transports après l’annonce, faite vendredi à Zurich, du remboursement de 205,3 millions par CarPostal aux cantons et aux communes. D’un côté, ils sont satisfaits de recevoir en retour les subventions que l’entreprise nationale de transport avait indûment gardées pour elle. De l’autre, ils sont amers, parce que ce détournement d’argent public demeure inacceptable. Et parce que les documents comptables concernant le calcul des montants à rembourser établis par deux cabinets d’audit ne leur ont été transmis qu’en allemand.
Ils saluent néanmoins la transparence de l’opération menée conjointement par l’Office fédéral des transports (OFT), la Conférence des directeurs cantonaux des transports publics (CTP) et La Poste. Les trois parties ont signé vendredi une convention globale de remboursement. «Le travail a été très bien fait. On voit de manière plus transparente ce qui s’est passé, qui est inacceptable», commente le conseiller d’Etat neuchâtelois Laurent Favre.
«L’escroquerie du siècle»
«La transparence est faite sur ce gâchis, qui reste l’escroquerie du siècle», renchérit son collègue jurassien David Eray, fâché de ne recevoir les rapports qu’en allemand. Ces deux cantons sont, avec d’autres comme Vaud, Berne et le Valais, à la manoeuvre depuis 2012. «Nous n’avons jamais lâché prise», rappelle David Eray. «Nous dénonçons depuis plus de cinq ans des offres trop élevées», ajoute Laurent Favre. Ce sont au total 205,3 millions qui seront remboursés. Cette somme inclut les 78,3 millions versés en trop durant la période 2007-2015, à quoi il faut ajouter 13,7 millions précédemment identifiés pour les années 2008 à 2011, 54,3 millions pour la période 2016 à 2018 (postérieure à la réorganisation de CarPostal en holding et aux nouvelles opérations de transferts internes mises en place), 26,8 millions d’intérêts (calculés à 5%) et 17,2 millions pour la période 2004-2007.
«Les années antérieures à 2007 sont prescrites. Mais, après ce qui s’est passé, nous ne voulons pas nous arc-bouter sur cette prescription et allons aussi rembourser ces 17,2 millions», promet le président du conseil d’administration de La Poste, Urs Schwaller. Pour l’instant, la convention de remboursement signée par les trois parties vendredi n’inclut pas ce montant. Elle porte sur 188,1 millions, dont 88,7 pour la Confédération. La répartition des 99,4 millions se fera en fonction des commandes passées par les cantons et les communes à CarPostal.
Les Grisons recevront 20,9 millions, l’Argovie 14,9 millions, le Tessin 14,8 millions, Berne 10 millions. En Suisse romande, le Valais touchera 3,7 millions, Vaud 2,1 millions, Fribourg 890000 francs, Neuchâtel 780000 francs et le Jura 630000 francs. Aucun car jaune ne circulant dans le canton de Genève, celui-ci, comme Bâle-Ville, n’est pas concerné.
Chaque canton signera, d’ici à mi-décembre, une convention individuelle de remboursement avec CarPostal et fera le partage avec les communes, dont certaines ne recevront que quelques dizaines de centimes. A Neuchâtel, ce sera 60% pour le canton et 40% pour les communes, selon la clé de répartition du financement du transport régional de voyageurs. A Fribourg, après déduction des parts directes de trois communautés singinoises, les 847 000 restants seront partagés à raison de 55% pour le canton et 45% pour les communes.
Le président de CarPostal France remercié
L’opération ne sera toutefois valable que lorsque 18 cantons au moins, représentant une valeur de rétrocession d’au moins 50 millions, auront signé un accord avec CarPostal. Cela ne devrait être qu’une formalité, mais c’est une précaution juridique destinée à garantir l’égalité de traitement, explique le président de la CTP, Hans-Peter Wessels, neutre dans cette affaire puisqu’il représente Bâle-Ville.
Par ailleurs, La Poste a confirmé vendredi une information de la radio alémanique SRF annonçant la résiliation du contrat, à mi-septembre, du président de CarPostal France, le Jurassien André Burri. Son poste est supprimé. Urs Schwaller confirme que CarPostal se retirera du marché français. Mais les contrats en cours sont respectés.
La filiale française ne participe plus à aucune nouvelle acquisition, assuret-il, mais elle honore ses engagements et c’est ainsi qu’Urs Schwaller justifie qu’elle n’ait pas renoncé à l’appel d’offres qu’elle avait lancé à Marseille avant la décision de se retirer de France, soumission que CarPostal France a remportée. «Pour intéresser des acquéreurs, l’entreprise doit conserver sa valeur et rester attractive», résume Urs Schwaller, qui espère céder les activités d’outre-Jura dès l’année prochaine.
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