Le Temps

«Nous refusons de payer des millions à Vevey»

Le directeur de la Fête des vignerons, Frédéric Hohl, réclame la gratuité du domaine public, à savoir la place du Marché de Vevey. Il n’exclut pas d’organiser des représenta­tions supplément­aires pour couvrir les frais réclamés par la ville

- PROPOS RECUEILLIS PAR GHISLAINE BLOCH @BlochGhisl­aine

A la chaussée de la Guinguette, derrière la gare de Vevey, une certaine effervesce­nce se fait sentir. Dans l’antre du comité d’organisati­on de la Fête des vignerons, l’ambiance est joyeuse. Frédéric Hohl, son directeur, descend les escaliers au pas de course. Un long marathon l’attend jusqu’au

18 juillet 2019, date du début des festivités. Des négociatio­ns pécuniaire­s avec la ville de Vevey figurent notamment au programme. Plusieurs millions de francs pourraient être réclamés à la Confrérie des vignerons, le comité d’organisati­on de cette fête, qui n’a lieu qu’une fois par génération.

La Fête des vignerons ne bénéficie d’aucune subvention étatique. Est-ce une volonté de la Confrérie des vignerons? Par souci de liberté, la Confrérie des vignerons ne veut pas demander de subvention­s. C’est beau, mais elle a tort. Ce n’est pas viable dans le système économique actuel. En Suisse, il n’y a aucune manifestat­ion culturelle non subvention­née. La confrérie devrait demander au moins 5 millions de francs à la ville de Vevey et 5 millions de francs à l’Etat de Vaud. Avec des subvention­s, les négociatio­ns seraient facilitées.

Qu’entendez-vous par là? Avec une subvention, la Confrérie aurait une monnaie d’échange dans ses négociatio­ns avec la ville de Vevey et l’Etat de Vaud pour les questions liées au domaine public, à la sécurité et à la mobilité.

Qu’avez-vous à négocier? Nous sommes prêts à dédommager la ville de Vevey pour ses pertes de recettes liées aux parcomètre­s, sur la place du Marché, mais pas pour ses amendes. En outre, la ville pourrait nous réclamer plusieurs millions pour l’occupation de l’espace public, somme que nous refusons de payer. Toute manifestat­ion comme la nôtre devrait bénéficier de la gratuité du domaine public. Cette somme est aujourd’hui en négociatio­n. Tout comme les frais liés à la sécurité de la fête.

Ces frais supplément­aires sont-ils

compris dans le budget actuel? Il va falloir vendre beaucoup de billets. Si nous ne rentrons pas dans nos frais, les bénévoles devront faire des représenta­tions supplément­aires. Ce n’est pas ce que nous voulons.

Le budget de la Fête des vignerons a presque doublé, passant de 54 millions en 1999 à 100 millions. Pourquoi une telle hausse? Il y a vingt ans d’écart, une semaine de plus de spectacles, cinq scènes, beaucoup plus de technologi­e, un son et lumière et une sécurité renforcée. Un tiers du budget est couvert par la billetteri­e. Les sponsors assurent 20% du budget, à hauteur de 300000 à 1,35 million de francs par sponsor.

La billetteri­e a ouvert le lundi 17 septembre. La vente des premiers billets correspond-elle à vos attentes? J’ai été étonné du succès de ces pre- miers jours de vente, mais je n’avais pas d’attentes particuliè­res. Ce qui était valable en 1977 ou 1999 n’est plus valable aujourd’hui. En milieu de semaine, nous avions vendu 60000 billets et 80000 en pré-vente, soit plus de 25% de la totalité des billets.

Parmi les 40 000 billets vendus, la plupart ont été achetés pas des Vaudois, notamment de la région de Lavaux et du Chablais. Comment allez-vous faire rayonner la fête au-delà? Nous comptons beaucoup sur nos journées cantonales, où des délégation­s viendront avec des trains spéciaux et animeront la ville. Nous leur avons bloqué des quotas de billets et une partie de l’arène. En 1999, il n’y avait pas eu de promotion en Suisse alémanique et près de 80% des spectateur­s venaient de Vaud, de Fribourg, du Valais et de Genève. Nous serons hôte d’honneur au Salon suisse de l’agricultur­e et de l’alimentati­on (Olma) à Saint-Gall pendant dix jours. Nous étions à la BEA à Berne ou encore à Zurich. La journée cantonale fribourgeo­ise est déjà quasi complète. Pourtant, à Lausanne ou à Genève, beaucoup associent la Fête des vignerons non pas à un événement historique, mais à une simple Fête des vendanges. Vous n’y remédiez pas vraiment, avec votre stratégie de communicat­ion dans les foires. A Saint-Gall, beaucoup se réjouissen­t énormément de venir à la Fête des vignerons, alors qu’à Lausanne, effectivem­ent, il pourrait y avoir une méconnaiss­ance, notamment de la part de la jeune génération. En matière de communicat­ion, c’est un choix délibéré de ne pas trop communique­r sur le spectacle. Les gens qui ont acheté des billets nous ont fait un chèque en blanc, ils nous font confiance. Dès l’année prochaine, nous aurons une stratégie de communicat­ion plus axée sur le spectacle, l’artistique et le programme de la ville en fête.

Sur Twitter, vous ne comptez que 257 abonnés… Serez-vous plus actifs sur les réseaux sociaux? Pour l’instant, nous ne sommes pas très actifs sur Twitter, mais beaucoup sur Facebook et Instagram, ce sont les médias sociaux où se trouve la plus grande partie de notre communauté. Nous sommes une dizaine de personnes à travailler au départemen­t de la communicat­ion et du marketing.

L’organisate­ur de l’événement, la Confrérie des vignerons, a retiré quel bénéfice lors de la précédente fête de 1999? En 1999, nous avions fait un gain de 4 millions de francs, somme qui a permis d’assurer durant les vingt années suivantes aussi bien les frais de fonctionne­ment du musée que la distributi­on de 100000 francs tous les trois ans aux vignerons tâcherons primés. Cette somme de 4 millions a aussi permis de lancer la fête de 2019. L’abbé-président ainsi que les 24 membres du conseil de la confrérie ne touchent chacun que 3 francs symbolique­s maximum par année. Et les 1700 membres de la confrérie ne paient pas de cotisation annuelle. Sur les 10 000 personnes qui travailler­ont pour la fête, seules une trentaine sont salariées à ce jour.

Que devrait rapporter l’événement en 2019? Nous visons un minimum de 6 millions de francs, somme qui permettra de couvrir les frais de fonctionne­ment des 20 prochaines années. Nous pouvons vivre pendant vingt ans, mais pas plus. L’objectif n’est pas de faire du profit.

Comment avez-vous vécu la polémique autour des prix des billets, considérés comme trop élevés pour une fête dite populaire? A chaque Fête des vignerons, il y a une polémique. Contrairem­ent à ce que j’ai pu annoncer, la hausse du prix des billets n’est pas de 15% par rapport à 1999, mais de 4,2% si on prend en compte l’indice des prix à la consommati­on. Avec zéro subvention, nous ne pouvons pas proposer des tarifs pour les seniors, les enfants ou les chômeurs. Quand une famille part skier, quelle somme dépense-t-elle au total? Pour fixer les prix, nous nous sommes basés sur un benchmark suisse et internatio­nal. Au final, nous constatons que ce sont les billets les moins chers, à 79 francs, qui peinent à trouver preneur.

«Toute manifestat­ion comme la nôtre devrait bénéficier de la gratuité du domaine public»

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(FÊTES DES VIGNERONS) Frédéric Hohl: «Nous visons un minimum de 6 millions de francs [de bénéfice], somme qui permettra de couvrir les frais de fonctionne­ment des vingt prochaines années.»

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