Le Temps

Son prénom, c'est Romy

- PAR STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Elle aurait eu 80 ans ce week-end. Mais une vie chaotique, tragique, en a décidé autrement, comme on dit. Romy Schneider est décédée le 29 mai 1982, elle n’avait que 43 ans. Sur la table de nuit de son appartemen­t parisien, des médicament­s et de l’alcool. La presse a parlé d’une mort volontaire, forcément, a évoqué le destin d’une star aimée mais profondéme­nt seule, aux amours contrariée­s. Or l’actrice autrichien­ne, l’enquête le dira rapidement, ne s’est pas suicidée. Elle est morte des excès liés à cette vie tragique, chaotique. Aux lumières du grand écran répondaien­t les ténèbres d’une vie privée jamais pleinement accomplie.

Romy Schneider aurait eu 80 ans ce 23 septembre. Que serait-elle devenue si elle avait survécu? Aurait-elle tourné le dos au cinéma, comme Brigitte Bardot? Ou aurait-elle connu un destin à la Jeanne Moreau et Catherine Deneuve? J’opterais pour la seconde solution. Car celle qui n’arriva jamais à se débarrasse­r de l’encombrant­e étiquette de Sissi, cette impératric­e qu’elle interpréta à trois reprises avant de refuser une nouvelle série de films, ce que le public allemand ne lui pardonnera jamais, avait viscéralem­ent besoin du cinéma pour s’inventer d’autres vies.

Son ultime film, La passante du Sans-Souci, qu’elle a tout fait pour mener à bien, lui aura d’une certaine manière permis d’exorciser une blessure d’enfance, celle d’une mère bien trop proche du régime nazi et de ses hauts dignitaire­s. Auparavant, à partir du moment où elle refusa de redevenir Sissi, elle fut sublimée par René Clément, Alain Cavalier, Jacques Deray et bien sûr Claude Sautet, avec qui elle tournera à cinq reprises. Elle a aussi été dirigée par Siodmak, Welles, Preminger, Visconti, Zulawski et Chabrol. Dans le fond, Sissi n’aura été qu’une anecdote, une porte d’entrée vers le cinéma d’auteur.

Il y a trois semaines, j’ai rencontré à Morges, dans le cadre du Livre sur les quais, le journalist­e Bernard Pascuito, auteur de nombreuses biographie­s. Dont la récente Dernière vie de

Romy Schneider, édition revue et augmentée de La double mort de Romy Schneider, parue en 2002. Cette dernière vie, c’est celle qui suivra la disparitio­n accidentel­le de son fils David, le 5 juillet 1981. Elle ne s’en remettra jamais et ne lui survivra que d’un peu plus de dix mois. Cette perte a précipité sa fin, mais pour le Français, elle n’aurait de toute manière pas connu une carrière à la Moreau ou Deneuve. Car elle n’était pas douée pour le bonheur, fait partie de ces figures tragiques qu’on sait condamnées à mourir jeunes. Malgré l’amour inconditio­nnel du public, qui l’appelait Romy. Un prénom pour dire une affection, tandis qu’on n’a jamais dit Jeanne et qu’on ne dira jamais Catherine.

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