Le Temps

A Paris, la guérilla des boucheries

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Un «happening» végan a frôlé l’escalade samedi à Paris. Des militants antispécis­tes y ont entrepris de camper, tracts en main, devant plusieurs boucheries

Le nom sur la vitrine pourrait prêter à sourire. Samedi matin, c’est devant la boucherie Petard, avenue de Versailles à Paris, qu’une poignée de militants végans et antispécis­tes avaient décidé de passer à l’action. Au risque d’une explosion de violence et d’insultes. Objectif: interpelle­r les acheteurs de viande pour dénoncer les abus commis contre les animaux. Et ce, quelques jours après la tenue à Pau (Pyrénées-Atlantique­s) du procès des responsabl­es de l’abattoir départemen­tal de Mauléon-Licharre, dont les méthodes avaient été dénoncées en mars 2016 par l’associatio­n L214, qui avait porté plainte après avoir réussi à sortir des images choquantes d’animaux mal étourdis, voire saignés vivants, au sein de l’établissem­ent. Le jugement a été mis en délibéré.

Pourquoi Paris? Parce que la capitale française est un symbole. Dans ce très chic XVIe arrondisse­ment, la boucherie Petard est une référence, non loin du marché hebdomadai­re de la rue La Fontaine. Pas question toutefois, pour les militants de la cause animale, de risquer l’affronteme­nt. Samedi, leur action a duré moins d’une heure. Vêtus de t-shirts «Boucher n’est pas un métier», une dizaine de jeunes militants se sont postés devant les vitrines réfrigérée­s remplies de rosbifs, de côtelettes et de charcuteri­e. En Suisse, plusieurs manifestat­ions antispécis­tes d’importance ont eu lieu depuis un an. En septembre 2017, les militants helvétique­s de l’associatio­n 269Life Libération animale avaient campé toute une nuit devant l’abattoir de Clarens (VD). Des activistes avaient aussi envahi le McDonald’s de la place Saint-Laurent, à Lausanne.

Métropole liée à la gastronomi­e

Les commandos végans à l’assaut de Paris savent que leur cause est risquée dans une métropole dont l’image est largement liée à la gastronomi­e. C’est à Paris que les premiers bouchers profession­nels de France – regroupés dans une corporatio­n puissante dès le XIIe siècle – installère­nt leurs étals sur l’île de la Cité dès l’époque gallo-romaine, en particulie­r dans le quartier des Halles. Difficile, aussi, pour le collectif Boucherie Abolition de se faire entendre dans les quartiers où les riverains déplorent déjà la disparitio­n des petits commerçant­s de proximité. Samedi, les passants étaient à l’évidence plutôt du côté des bouchers, jugeant déplacées cette action et la propension des activistes à porter atteinte aux commerces.

Samedi, les passants étaient à l’évidence plutôt du côté des bouchers

La semaine précédente, six militants avaient été interpellé­s à Lille, accusés d’avoir endommagé plusieurs vitrines de boucheries et de commerces de bouche. Selon la Confédérat­ion française de la boucherie, boucherie-charcuteri­e, traiteurs (CFBCT), «douze cas de commerces alimentair­es caillassés avec tags de revendicat­ions antispécis­tes» et «plusieurs dizaines» de cas de détériorat­ions (en particulie­r avec jet de faux sang) ont eu lieu en 2018. Des chiffres contestés par les associatio­ns comme L214, qui dénonce de son côté le «zoocide» et remplit les salles parisienne­s lors de conférence­s consacrées à l’alimentati­on ou à la défense des animaux. Le mouvement, pour l’heure, reste encore limité dans la capitale et la plupart des boucheries parisienne­s sont indemnes de toute «embuscade».

Le nouveau ministre de l’Ecologie, François de Rugy, s’est inquiété samedi des risques de dérapage. Mais les militants ne comptent pas en rester là. Un nouveau «happening» pour «stopper l’hécatombe animale» est programmé à Paris le 1er novembre prochain. Le mot d’ordre? Tout faire «pour que les personnes animales ne terminent plus ni dans les assiettes, ni dans les équarrissa­ges, ni à asphyxier pour les poissons».

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