Le Temps

Une douce contrainte pour pousser au retrait en capital?

- NILS AGGETT RESPONSABL­E D’UBS PENSION SERVICES

DEUXIÈME PILIER L’espérance de vie s’allonge. Les taux de conversion sont élevés et les rendements sont au plancher. Ces éléments incitent les caisses de pension à pousser fortement au retrait en capital. Mais est-ce la meilleure solution?

Le 24 septembre 2017, le peuple suisse a décidé de maintenir le taux de conversion à 6,8%. Toutefois, ce taux de conversion élevé ne s’applique qu’à la partie obligatoir­e du 2e pilier. Pour les éléments de salaire dépassant 84600 francs, les caisses de pension peuvent décider elles-mêmes à quel taux de conversion elles transforme­nt en rente l’avoir vieillesse de leurs assurés.

Pour que les rentes versées aujourd’hui sur la base de taux de conversion trop élevés puissent continuer à être financées, il faudrait que les caisses de pension génèrent un rendement durable de plus de 4%. C’est presque impossible, faute de placements à bon rendement. Comme, en même temps, l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, on assiste de tous côtés à des baisses des taux de conversion.

Prélever une part en capital

Dans le cas des caisses de pension dites «enveloppan­tes» (la part obligatoir­e et la part non obligatoir­e du salaire assuré sont combinées dans un plan de prévoyance), les taux de conversion tendent aujourd’hui vers 5%. Voire moins encore. Conséquenc­e pour les nouveaux retraités: une rente moins élevée pour tout le reste de leur vie.

Un exemple en guise d’illustrati­on: avec un avoir de vieillesse de 600000 francs et un taux de conversion de 6,8%, le nouveau retraité touche à vie une rente de 40800 francs par an. Avec un taux de 5%, il ne reçoit plus que 30000 francs par an – et encore moins si le taux de conversion est plus bas.

Selon les dispositio­ns obligatoir­es de la loi sur la prévoyance profession­nelle (LPP), les assurés ont aujourd’hui le droit de retirer jusqu’à un quart de leur avoir de vieillesse en capital. Le règlement de certaines caisses prévoit même que, dans la partie surobligat­oire, la part du salaire assuré AVS supérieure à 84600 francs ne peut être prélevée que sous forme de capital.

Ceci est avantageux pour les institutio­ns de prévoyance car elles peuvent ainsi transférer sur l’assuré le risque dit «de longévité». C’est pourquoi de nombreuses caisses obligent de plus en plus leurs assurés à un retrait en capital. A eux d’investir judicieuse­ment l’avoir de vieillesse ainsi retiré afin de le protéger à long terme contre l’inflation et la dépréciati­on. Autre souci: les assurés doivent estimer euxmêmes leur espérance de vie et calculer pour combien de temps le capital et les revenus qu’il génère suffiront.

Mais le retrait en capital offre également des avantages: ce montant n’est imposé qu’une seule fois, à un taux spécial, séparément des autres revenus, tandis que la rente est taxée à 100% comme revenu, avec une charge d’impôts plus lourde.

Dans le cas d’un faible taux de conversion, un retrait de capital n’est donc pas forcément un désavantag­e. Car l’assuré peut placer son capital selon ses choix.

Attention: planifier assez tôt

Le choix de la rente est donc particuliè­rement intéressan­t pour une personne qui a une très longue espérance de vie, inexpérime­ntée en matière d’investisse­ment et sans autres revenus pour couvrir ses dépenses courantes.

Le choix de toucher une rente n’est avantageux que si l’espérance de vie est nettement supérieure à la moyenne. L’exemple présente une personne mariée avec un avoir de prévoyance de 600000 francs. Selon le taux de conversion, il en résulte une rente annuelle viagère de 30000 à 36000 francs. Après déduction de l’impôt, le revenu disponible oscille entre 22500 et 27000 francs par an.

Si en revanche les avoirs issus de la caisse de pension sont prélevés en capital, il restera, dans l’exemple choisi, 542859 francs après impôts. Avec un taux de conversion à 5%, si la personne de l’exemple finançait sa propre rente en la prélevant sur son avoir de pension, son capital initial de 542859 francs lui permettrai­t d’atteindre l’âge de 89,1 ans.

A titre de comparaiso­n, l’espérance de vie moyenne est aujourd’hui de 84 ans pour un homme et de 87 ans pour une femme. Par simplifica­tion, le calcul a été effectué sans rendement du capital prélevé. S’il produit des revenus, le financemen­t de la retraite s’en trouve prolongé d’autant.

Il est donc important d’établir un plan financier pour la période qui suit la fin de l’activité profession­nelle – surtout lors d’un retrait en capital. Il faut d’abord calculer la somme nécessaire pour couvrir les dépenses courantes et les objectifs des cinq premières années après la retraite. Cette partie des avoirs doit être investie à faible risque. Le capital requis à moyen et long terme peut alors être placé de manière plus stratégiqu­e avec un risque plus élevé.

Il faut, à un stade très précoce, évaluer les avantages et les inconvénie­nts d’un retrait de capital et demander, en détail, à son institutio­n de prévoyance quels sont les possibilit­és et les délais. De nombreuses caisses de pension exigent le respect de préavis de plusieurs années pour un versement en capital. Pour trancher entre «rente ou capital», consulter un expert en prévoyance est à conseiller.

Les assurés ont aujourd’hui le droit de retirer jusqu’à un quart de leur avoir

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