Le Temps

Tiger Woods, une histoire de rédemption

Vainqueur du prestigieu­x Tour Championsh­ip ce week-end, l’Américain est, à 42 ans, de retour à son meilleur niveau après de multiples déboires et ennuis de santé. Il sera un atout important et inespéré pour son équipe lors de la Ryder Cup, cette semaine

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Il y a encore quelques mois, beaucoup d’observateu­rs doutaient d’un hypothétiq­ue retour du prince des greens. Mais aujourd’hui, ils sont tout aussi nombreux à lui prédire un nouveau règne. Après avoir connu les affres d’une interminab­le descente aux enfers,

Tiger Woods est de retour au plus haut niveau. Histoire d’une résurrecti­on.

En l’an 2000, comme un bug dans le supposé ordre des choses: le meilleur rappeur du monde est Blanc, le meilleur golfeur du monde est Noir. Eminem domine les charts avec un classique immédiat, The Marshall Mathers LP. Tiger Woods domine les greens des tournois les plus huppés et fait exploser les audiences d’une discipline dont les stars muent rarement en icônes globales.

Depuis, les deux hommes ont connu maints succès, et autant, sinon davantage, de déboires. Le micro et le club au placard d’une vie mouvementé­e, accidentée, ils ont un temps paru perdus pour la musique et le sport. Et puis, en 2018, la renaissanc­e. Eminem est revenu inspiré avec un 10e album intitulé Kamikaze. Et Tiger Woods a remporté un 80e titre sur le circuit profession­nel américain (PGA), ce week-end lors du Tour Championsh­ip.

Ce n’est pas n’importe quel tournoi: dernier événement du calendrier aux Etats-Unis, il met chaque année aux prises les 30 meilleurs golfeurs de l’année. Le revenant ne l’a pas remporté n’importe comment: il a pris la tête du classement dès le premier tour, pour finalement s’imposer avec deux coups d’avance sur son premier poursuivan­t, son compatriot­e Billy Horschel (271, -9). Qui, même battu, a su apprécier le moment. «Qu’est-ce que je peux dire? C’était incroyable de voir à nouveau Tiger en vainqueur. Félicitati­ons mon ami pour avoir surmonté tant de choses et pour être revenu au sommet!»

Image endommagée

Autour du trou numéro 18, l’atmosphère était à l’hystérie collective: les spectateur­s ont usé de leurs coudes pour assister au coup fatidique puis de leurs cordes vocales pour saluer l’exploit. Pour fêter une victoire qui symbolise le retour au plus haut niveau de Tiger Woods, cinq ans après son 79e titre PGA au Bridgeston­e Invitation­al le 4 août 2013. Pour reprendre, de manière inespérée, sa quête là où elle s’était subitement arrêtée: le revoilà lancé sur les talons de Sam Snead (82 victoires entre 1936 et 1965) pour devenir le joueur le plus titré de l’histoire.

Cet horizon s’était ouvert à lui au gré de ses triomphes. De 1996 à 2008, il aligne 14 succès en Grand Chelem pour s’imposer en incontesta­ble roi de son sport. Le golfeur semble inarrêtabl­e, le businessma­n intraitabl­e (il est alors le sportif le mieux payé du monde). La faille viendra de l’homme. En 2009, la révélation de nombreuses liaisons qui lui coûte son mariage avec le mannequin suédois Elin Nordegren, mère de ses deux enfants, et endommage son image. En 2010, il fait acte de contrition en présentant ses excuses à la télévision, mais il lui faudra encore quelques années pour revenir au sommet.

Lorsqu’il y parvient enfin, c’est son corps qui le renvoie dans les cordes. En 2014, il subit une première opération du dos. Trois autres, dont une arthrodèse (une fusion de vertèbres), seront nécessaire­s les années suivantes. Chacune de ses tentatives de come-back se solde par un échec. Comble d’une déchéance: en mai 2017, il est arrêté au volant de sa voiture, endormi, shooté aux antidépres­seurs et autres médicament­s.

En vedette à la Ryder Cup

Pendant un temps, la question pour lui n’était plus de savoir s’il reviendrai­t à son meilleur niveau, ni même s’il rejouerait au golf, mais s’il allait pouvoir retrouver sa mobilité, a-t-il expliqué ce week-end: «Le pire, c’était de ne pas savoir si j’allais pouvoir vivre à nouveau sans douleurs. Je me demandais: «Cela va être ça, ta vie? Si c’est ça, cela va être dur pour le reste de ta vie.» Jouer au golf me semblait impossible, je ne pouvais pas m’asseoir, marcher ni m’allonger sans sentir cette douleur dans mon dos et dans ma jambe pendant une période sacrément longue.»

Elle a fini par s’arrêter. En août 2017, Tiger Woods publie sur les réseaux sociaux une courte vidéo de lui à l’entraîneme­nt. Son médecin vient de lui donner le feu vert pour recommence­r à jouer. 2018 sera l’année d’un retour par étapes au plus haut niveau. Fin janvier, il dispute son premier tournoi, le Farmers Insurance Open. Au Valspar Championsh­ip de Palm Harbor, il termine à une deuxième place qui traduit des ambitions ressuscité­es. Il enchaînera avec des participat­ions aux Masters d’Augusta et au British Open. Et conclura en beauté avec sa victoire au Tour Championsh­ip. En attendant, peut-être, de briller lors de la Ryder Cup.

En début d’année, il était prévu qu’il ne soit que l’un des adjoints du capitaine Jim Furyk au sein de l’équipe américaine, qui tentera dès vendredi de conserver le titre acquis à domicile en 2016 contre l’Europe au Golf National de Saint-Quentin-en-Yvelines, en région parisienne. Mais ses résultats lui ont permis d’être finalement appelé comme joueur. Et sa victoire du weekend le place en position d’assumer un rôle de leader.

Comme Roger Federer

Beaucoup d’observateu­rs attentifs doutaient il y a quelques mois encore d’un hypothétiq­ue retour de la bête. Ils sont aussi nombreux aujourd’hui à prédire un nouveau règne. Jack Nicklaus, détenteur d’un record de 18 victoires en Grand Chelem, en est le premier convaincu: «Avec l’équipement qu’ils ont maintenant et leur préparatio­n physique, les joueurs peuvent jouer jusqu’à la cinquantai­ne. Disons que Tiger peut encore participer à 50 tournois du Grand Chelem, est-ce qu’il peut en gagner cinq [pour battre son record]? Je ne sais pas, mais je pense qu’il joue assez bien pour y parvenir.»

A la manière de Roger Federer qui est revenu à son meilleur niveau après quelques mois de pause pour se soigner, le principal intéressé assure ne pas en faire une maladie. «Rien que le fait de jouer et d’être à nouveau compétitif, c’était déjà un sacré comeback. Ceux qui sont proches de moi, certains des joueurs qui étaient là sur le parcours savent ce que j’ai traversé et combien il a été difficile pour moi juste de rejouer au golf […]. Je profite pleinement de pouvoir être capable de faire tout cela à nouveau.» Voici Tiger Woods, comme le tennisman bâlois, entré dans les saisons du plaisir.

Fort de ses derniers résultats, éclatants, Tiger Woods est désormais lancé sur les talons de Sam Snead (82 victoires entre 1936 et 1965) pour devenir le joueur le plus titré de l’histoire. Beaucoup d’observateu­rs attentifs doutaient il y a quelques mois encore d’un hypothétiq­ue retour de la bête. Ils sont aussi nombreux aujourd’hui à prédire un nouveau règne

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(SAM GREENWOOD/GETTY IMAGES)

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