Clap de fin pour le Comptoir suisse?
A l’aube de sa centième édition, la foire généraliste accuse une forte baisse de fréquentation. L’heure est venue de repenser entièrement un concept qui a vécu
Le diagnostic est sans appel. Au lendemain de sa 99e édition, le Comptoir suisse accuse une baisse de fréquentation de 43%. Seuls quelque 61000 visiteurs se sont rendus à la manifestation annuelle organisée au Palais de Beaulieu contre 108000 en 2017. Pour les exposants, qui voient leur public s’éroder d’année en année, le réveil est difficile. Alors que le centenaire est menacé, les autorités vaudoises plaident pour une «refonte profonde du concept» d’ici à la fin de l’année.
Malédiction des lieux, mauvaise gestion ou modèle en bout de course, à quoi attribuer cette débâcle? Le groupe MCH Beaulieu SA, organisateur de l’événement, cumule les difficultés depuis plusieurs années. A Bâle, sa foire horlogère Baselworld perd du terrain, tandis que son pendant genevois, le Salon international de la Haute Horlogerie réalise jusqu’ici un sans faute.
Pour le syndic de Lausanne, Grégoire Junod, le groupe doit impérativement revoir son modèle d’affaires. «Un site comme Beaulieu ne peut plus vivre d’un seul événement annuel, estime-t-il. Le bilan de cette édition le prouve.» Luimême juge qu’une manifestation de taille plus modeste, tournée vers l’alimentation, l’agriculture ou le terroir aurait sa place à Lausanne. «Il appartiendra toutefois aux organisateurs de proposer un nouveau concept viable.»
Sur Twitter, les déboires de la foire généraliste laissent songeur. «Il serait temps de baisser les prix de location pour les exposants, de faire un comptoir moderne qui corresponde à la jeunesse d’aujourd’hui», plaide @PtiteMaeva. Les idées les plus folles émergent. «La 100e édition du Comptoir suisse menacée par un bilan en chute libre, tweete le conseiller national genevois @ManuelTornare. A déplacer sur le site de l’EPFL?» «Le Comptoir suisse, une affaire alémanique en terre vaudoise devenue ringarde depuis plus d’une décennie… juge encore @alainvaissade. Pourquoi attendre des difficultés comptables et financières pour fermer?»
Traditionnellement dédiée aux arts ménagers et au terroir, la foire entretenait, à l’origine, le lien entre ville et campagne. Elle était une «fenêtre ouverte sur la modernité», selon les mots du conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, de passage vendredi à Lausanne. Sauf que plus personne n’attend le Comptoir pour acquérir une cuisinière dernier cri ou encore renouveler son stock de casseroles. A l’heure du commerce en ligne et de la «vente expérience», arpenter des allées gigantesques à la recherche de bonnes affaires semble désuet voire ringard.
Le concept en lui-même n’est pourtant pas mort. Les foires du Valais et de Saint-Gall mais aussi les petits comptoirs de la Broye et du Nord vaudois prouvent qu’il est possible de réunir un public autour d’une offre régionale en jouant la carte de la proximité.
Avant son ouverture, le Comptoir avait déjà subi une salve de critiques pour son nouvel «espace au féminin» censé présenter les «nouvelles tendances» mode, beauté, bien-être ou encore décoration. Sans oublier un «véritable spectacle de Chippendales». Un attirail jugé sexiste qui a fait enrager la députée socialiste Carine Carvalho Arruda. Dans son interpellation déposée au Grand Conseil vaudois, elle déplore des activités «sorties tout droit des années 1950» et l’occasion manquée de mettre en avant «l’innovation au féminin».
Face à une possible disparition de la foire, un comité de soutien milite sur le web à grand renfort de t-shirts estampillés «Je suis le comptoir». La page Facebook dédiée ne rassemble à ce jour que 181 personnes. Une pétition circule également pour inscrire le Comptoir au patrimoine mondial de l’Unesco. Pas sûr que cela suffise.n