La convocation d’automne
Les chefs d’Etat se rendent à New York pour leur jamboree annuel à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU. Le conseiller fédéral Ignazio Cassis, qui accompagne le président de la Confédération, Alain Berset, y découvrira la réalité du monde multilatéral, qui paraît lui inspirer des réserves sinon de la méfiance. Il réalisera que la politique étrangère s’accomplit dans un espace bien à elle, que la diplomatie n’est pas seulement de la politique intérieure ou, comme il l’a dit ce printemps à Zurich, de la politique économique extérieure. Il verra enfin de ses propres yeux combien l’action de la Suisse est appréciée sur le plan international, en raison de son engagement dans les objectifs de l’ONU et dans divers programmes de coopération.
Depuis son arrivée à la tête du Département des affaires étrangères, le conseiller fédéral Cassis jette un regard critique sur les propositions qui lui sont présentées par ses collaborateurs, à qui il reproche de vouloir «se joindre, dans l’euphorie, au choeur» des idées reçues et des partis pris ambiants, et d’imaginer que «les ressources à disposition sont infinies». Il se fait fort de changer cette culture propre à l’administration et se confie à la NZZ à l’occasion d’une interview consacrée au Pacte sur la migration de l’ONU.
C’est sans doute un sain réflexe de la part d’un nouveau chef de département que de vouloir passer en revue les choix et les politiques qui lui sont soumis, à condition de ne pas jeter l’enfant avec l’eau du bain. Personne ne se plaindra si à la diplomatie des bons sentiments succède une redéfinition réaliste des intérêts et des valeurs défendus par la Suisse: encore faut-il réaliser le bon mix, l’équilibre qui permet de répondre efficacement aux défis qui se posent à notre pays sur la scène internationale, et non pas sous le seul angle de la politique intérieure. La politique étrangère ne doit pas dépendre de vues partisanes, elle doit au contraire rassembler le plus grand nombre de citoyens et ne peut être analysée à travers le prisme de la division gauche/droite. Elle doit surtout chercher à consolider et à améliorer la place de la Suisse dans le monde.
Le tourbillon de discours, d’entretiens, de réceptions, de réunions, de commentaires et de rumeurs qui forment la trame du débat général à l’ONU fera peut-être mieux mesurer à nos dirigeants à quel point le travail de la Suisse y est important pour faire exister notre pays au sein de la communauté internationale et servir ses intérêts. C’est plus qu’une simple question de réputation. La passivité de la Suisse dans ce concert lui porterait préjudice.
Cette année, la situation internationale est particulièrement sombre. M. Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, en dresse un tableau sans complaisance dans son rapport annuel. En prenant ses fonctions l’an dernier, il a émis le voeu que 2017 soit une année de paix. Il constate aujourd’hui que cela reste un idéal lointain. Souvent reliés entre eux, les conflits – en Asie et du Moyen-Orient à l’Afrique subsaharienne – se sont enlisés, sur fond de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire; la discrimination à l’égard des femmes ne faiblit pas, les changements climatiques sont de plus en plus perceptibles. Et c’est la survie de l’humanité qui est en jeu. La menace des armes de destruction massive – notamment nucléaires et chimiques – pèse de nouveau sur le monde.
Comme le dit Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, «des repères s’effacent, des tendances nouvelles apparaissent dans un contexte de redistribution de la puissance à l’échelle mondiale. Nous évoluons dans un monde à la recherche de nouveaux équilibres, sans assurance quant à la nature de l’ordre international qui se dessine devant nous. Le monde est devenu beaucoup plus incertain et risqué. Le multilatéralisme doit se réinventer face aux blocages et aux tentations de l’action unilatérale»: notre pays doit y jouer son rôle aussi bien dans le processus que dans l’obligation de résultat.
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