La croissance américaine offre une marge de manoeuvre à la Fed
La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait continuer de resserrer le robinet du crédit. Des experts minimisent l’impact de la guerre commerciale et affirment que les indicateurs économiques ainsi que Wall Street devraient consolider la reprise
A l’issue de sa réunion mensuelle ces mardi et mercredi, la Réserve fédérale américaine (Fed) devrait relever ses différents taux d’intérêt de 0,25%, ce qui leur ferait atteindre 2 à 2,25%. Ce sera la troisième hausse de l’année et la huitième depuis le revirement de la politique d’assouplissement monétaire (QE) en 2016. Mais la Fed n’est pas attendue sur ce point tant la décision paraît acquise. Les regards sont d’ores et déjà braqués sur ses nouvelles prévisions conjoncturelles jusqu’en 2021, qu’elle publiera mercredi soir. En attendant, le sentiment général est unanime: l’économie américaine respire la santé et la fin de ce cycle n’est pas pour demain.
Virage «hawkish»
«On s’attend à la continuation d’une politique monétaire mise en pilote automatique, c’est-àdire une hausse de 25 points de base chaque trimestre, souligne Thomas Costerg, économiste senior zone Etats-Unis chez Pictet Wealth Management à Genève. Celle-ci est en vigueur depuis fin 2016 avec une exception en septembre 2017.» D’après les commentaires de nombreux membres de la Fed cet été, il y a eu un virage «hawkish» c’est-àdire un biais tendant au resserrement monétaire, fait noter le spécialiste. Au deuxième trimestre, la croissance américaine avait atteint 4,2% en rythme annuel.
Selon Thomas Costerg, l’optimisme est de mise à court et à moyen terme parce que cette croissance pourrait avoir un impact positif sur la productivité aux Etats-Unis. Autre signe qui ne trompe pas: les salaires – point cardinal pour la Fed – enregistrent une hausse de quasiment 3% sur l’année.
La courbe des taux ne s’est pas inversée
L’économiste de la banque Pictet fait encore remarquer que la courbe des taux qui marque l’écart entre les taux à court terme et à long terme a tendance à s’aplatir. Ce qui signifie en théorie que les investisseurs sont moins rémunérés pour la prise de risque à long terme. «Mais il n’y a pas encore d’inversion de la courbe, insiste-t-il. Une baisse de l’écart est normale dans une période avancée du cycle économique. Une telle période peut durer longtemps comme on l’a vu dans les années 1990.» Bref, l’aplatissement de la courbe n’est pas une raison de s’affoler.
De passage à Genève la semaine passée, John Indellicate, gérant pour Syz Asset Management sur le marché américain, ne cache pas son enthousiasme. «Les réformes fiscales, la dérégulation et les dépenses publiques sur les infrastructures ont donné une grande impulsion à l’économie américaine.» Il fait encore ressortir que le Purchasing Managers Index, qui traque les activités manufacturières aux Etats-Unis, s’est accéléré en août et se situe à un niveau supérieur à la moyenne mondiale.
Wall Street en hausse
Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine, devrait maintenir mercredi le cap du resserrement monétaire.
La bonne santé de l’économie américaine se vérifie aussi à Wall Street. L’indice phare S&P 500 et le Nasdaq (valeurs technologiques) ont gagné respectivement 9,23% et 15,28% depuis le début de l’année alors que la plupart des autres places financières accumulent des pertes. «Les entreprises américaines ont des marges élevées, fait noter Thomas Costerg. Les profits par action devraient être en hausse de 20% cette année, avec une aide des baisses d’impôts de Trump.» Par ailleurs, les bourses américaines ont une prévalence d’entreprises tech, qui se sont révélées très attirantes pour les investisseurs internationaux.
Tant Thomas Costerg que John Indellicate minimisent l’impact de la guerre commerciale qui est engagée entre les Etats-Unis et la Chine. Pour ce dernier, seul un ralentissement marqué de l’économie chinoise et une guerre commerciale tous azimuts pourraient freiner la croissance américaine, mais un tel scénario lui paraît improbable à ce stade. L’économiste américain met en avant trois autres risques: les résultats des élections de mi-mandat qui stopperaient l’agenda pro-croissance du président Trump, l’inflation qui exploserait et deviendrait incontrôlable et, enfin, des chocs géopolitiques liés à l’Iran ou à la Corée du Nord qui casseraient l’actuel élan.
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