Le Temps

Novartis taille dans ses effectifs, en Suisse et dans le monde

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

Un cas emblématiq­ue: le site de Novartis à Stein (AG) sera affecté par la restructur­ation qui court jusqu’en 2022 mais gagnera à terme 450 employés, a assuré mardi la multinatio­nale pharmaceut­ique basée à Bâle. Novartis prévoit d’y produire son nouveau traitement Kymriah.

Le géant bâlois veut supprimer 2150 postes sur quatre sites d’ici à 2022, et 25 000 au niveau mondial. Son directeur évoque l’expiration des brevets et un appareil industriel inadapté au nouveau paradigme pharmaceut­ique

Il fallait sortir sa calculette mardi matin. Le géant pharmaceut­ique bâlois Novartis annonce la «suppressio­n planifiée d’environ 1000 emplois» dans la production de ses médicament­s d’ici à 2022, à Bâle, Schweizerh­alle (FR), Stein (AG) et Locarno (TI), selon son communiqué.

Mais pour arriver à ce total de 1000 postes supprimés, la multinatio­nale a décompté 450 postes «susceptibl­es» d’être créés sur son site de production de thérapies cellulaire­s et géniques à Stein. Soit une réduction «brute» de 1450 postes. A laquelle il faut ajouter la disparitio­n de 700 postes dans ses «activités managérial­es et transactio­nnelles» pour la même échéance.

Le «truc de Novartis»

«Jouer avec les chiffres, c’est le truc de Novartis», ironise Christian Gusset, représenta­nt syndical chez Unia. Le responsabl­e du secteur pharma n’a appris la nouvelle «choc» que mardi matin avec les employés, mais il a aussi fait ses propres calculs. Conclusion: 2150 postes supprimés.

«Le niveau de qualificat­ion sera très différent sur le nouveau site de Stein, s’inquiète le syndicalis­te. Il faut que la Confédérat­ion et les cantons touchés s’engagent avec le personnel et les partenaire­s sociaux pour pousser Novartis à prendre ses responsabi­lités sociales. D’autant que le marché suisse des primes maladie est en perpétuell­e croissance.»

Mardi, l’essentiel pour le groupe aux 49 milliards de dollars de chiffre d’affaires était bien de convaincre de son «solide engagement» envers le pays qui accueille son siège mondial, mais qui représente «moins de 2% de ses ventes». Dans son annonce, il a affirmé dépenser 3 milliards de dollars par an en recherche et développem­ent et s’est engagé à maintenir en Suisse 10% de ses 125000 postes dans le monde. Ils étaient 12800, avant restructur­ation.

Novartis s’est engagé à maintenir en Suisse 10% de ses 125000 postes dans le monde. Ils étaient 12800, avant restructur­ation

Si Novartis évoque un pourcentag­e, c’est que le nivellemen­t pourrait bien se faire par le bas. Quelque 25000 postes devraient être supprimés, dans le cadre d’une vaste restructur­ation pilotée, depuis février, par Vas Narasimhan, directeur opérationn­el issu du sérail du groupe. Des «réajusteme­nts d’unités» ont déjà été communiqué­s aux Etats-Unis, au Japon ou au Royaume-Uni où Novartis a annoncé, également mardi, la fermeture de son usine de Grimsby, laissant près de 400 personnes sur le carreau.

Mais il n’y a pas que la production qui soit touchée. Novartis avait lancé en 2014 un programme visant à réorganise­r ses activités de services liées à la vente de médicament­s, en les concentran­t sur cinq hubs: Dublin (Irlande), Hyderabad (Inde), Kuala Lumpur (Malaisie), Mexico (Mexique) et Prague (République tchèque).

Novartis a distribué 11,765 milliards de dollars à ses actionnair­es l’année dernière. Mais sa marge opérationn­elle de 26,9% (la direction vise 35%) est désormais menacée par la hausse des coûts de développem­ent de nouveaux médicament­s. La précédente direction, menée par Joe Jimenez, avait déjà lancé en 2016 un programme visant à doper la profitabil­ité en économisan­t un milliard de dollars par an sur le réseau de production d’ici à 2020.

Expiration de brevets phares

En conférence téléphoniq­ue, Vas Narasimhan s’est inscrit mardi dans cette continuité. L’ex-médecin chef du groupe a aussi souligné que l’expiration des brevets sur ses médicament­s Diovan (hypertensi­on et insuffisan­ce cardiaque) ou Glivec (certaines leucémies) avait provoqué une chute des volumes et conduit à une surcapacit­é de production. Comme ses concurrent­s britanniqu­e GlaxoSmith­Kline ou danois Novo Nordisk, Novartis cherche désormais à se concentrer sur un nombre réduit de médicament­s spécialisé­s et personnali­sés plutôt que sur de grandes séries.

Début septembre, Novartis avait déjà annoncé son intention d’installer à Genève sa division ophtalmolo­gique Alcon, qu’elle scindera du reste du groupe afin que les deux entités «se concentren­t sur leur croissance respective». Novartis cherche aussi à vendre sa division de médicament­s génériques aux Etats-Unis pour se «focaliser sur des secteurs à plus forte croissance».

Mais le groupe fait savoir qu’il ne se contente pas de désinvesti­r. Ces cinq dernières années, il reven- dique des investisse­ments portant sur plus d’un milliard de dollars afin d’adapter ses sites suisses de production à l’évolution de son portefeuil­le de médicament­s. Après avoir obtenu l’aval des autorités européenne­s quant à l’utilisatio­n de Kymriah, il a annoncé fin août investir 90 millions de francs à Stein où il entend le produire. Aux Etats-Unis, ce traitement pionnier qui se sert des cellules des patients pour combattre certains types de leucémie a déjà un coût: 475000 dollars.

Après avoir été chahutée ce printemps, l’action de Novartis affiche depuis fin juin une hausse de 14,5%. Mardi, elle a cloturé en hausse de 1,69%, à 83,18 francs.

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(ARND WIEGMANN/REUTERS)

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