Le Temps

QUAND LE «DESIGN THINKING» RÉVOLUTION­NE LA MÉDECINE

À STANFORD, BIODESIGN FAIT TRAVAILLER ENSEMBLE MÉDECINS ET INGÉNIEURS POUR RÉSOUDRE DE MANIÈRE SIMPLE LES PROBLÈMES DES HÔPITAUX. RENCONTRE AVEC DAN ELISON AZAGURY, CHIRURGIEN GENEVOIS DEVENU STARTUPER EN SÉRIE

- (NORBERT VON DER GROEBEN)

Dan a eu la révélation au bloc opératoire. Ce chirurgien avait invité à assister à une opération un de ses amis, ingénieur. Le médecin était tout fier de montrer sa maîtrise de son métier et surtout le Da Vinci, le robot qui assiste les praticiens dans le monde entier, ou du moins là où on peut se le payer. «Mon ami avait l’air intrigué et je me demandais pourquoi.» Ce dernier a posé la question bête ou plutôt de celle qui vous fait tout remettre en question. «Vous utilisez un robot qui rend votre geste super précis mais votre patient est attaché à la table d’opération avec… du scotch?»

Dan Elison Azagury en rit encore aujourd’hui. «La médecine évolue très peu, et cela pour de bonnes raisons. Si nous nous trompons, nous pouvons tuer nos patients. Du coup, l’innovation et la prise de risque ne font habituelle­ment pas partie de notre état d’esprit.» Mais cela amène aussi des lourdeurs et des gestes qui se répètent de génération en génération de médecins, sans que l’on sache au fond pourquoi ils se pratiquent.

De passage à Stanford dans le cadre de sa formation, Dan se retrouve dans un bâtiment situé entre l’hôpital et l’école d’ingénieurs. Au Clark Center, voilà plusieurs années que quelques allumés ont décidé d’appliquer le design thinking à la médecine. Leur entreprise se nomme Biodesign. Et cela marche.

DU DIAGNOSTIC AU REMÈDE

«Vous connaissez le principe: on crée une équipe pluridisci­plinaire, on cherche des solutions à des problèmes qui sont envisagés sous un nouvel angle, des prototypes sont fabriqués très vite et, si cela convient aux praticiens, on crée une start-up pour passer à la production.» Cela semble effectivem­ent simple et la réalité n’en est pas loin. Des équipes avec médecins et ingénieurs se baladent dans l’hôpital, cherchent ce qui cloche et voient comment y remédier. «Le monde de la santé est compliqué. Il y a différents niveaux d’intervenan­ts: de l’organisme qui valide les médicament­s à celui qui décide du remboursem­ent en passant par les assurances, les médecins et les patients, il faut que votre solution contente tout le monde», relève Dan Elison Azagury.

Inutile de braquer l’un ou l’autre de ces échelons, sinon votre invention ne passera jamais la rampe. Dans les bureaux de Biodesign, il y a des salles de brainstorm­ing comme on peut en voir chez IDEO – un pionnier du design thinking basé à San Francisco – et un fablab où les ingénieurs peuvent fabriquer très simplement une ébauche, que ce soit avec une imprimante 3D, du matériel de petit bricolage et même du Slim.

Dan Elison Azagury, lui, s’est intéressé à l’intubation. «Quand les patients sont intubés, ils risquent d’attraper une pneumonie à cause de leurs propres sécrétions. Cela représente 10% des cas mais cela peut se terminer très mal.» Plutôt que de mettre à tout le monde des tubes sans risque à 20 dollars, les anesthésis­tes privilégie­nt ceux à 1,5 dollar. Par économie mais aussi parce qu’ils ont toujours fait comme ça. En tenant compte de tous ces paramètres, Dan a mis au point un dispositif auquel recourent les équipes soignantes en cas de besoin seulement. Une invention conçue pour répondre au 10% de cas problémati­ques et qui ne coûte que 40 dollars l’unité. Elle fait le bonheur des patients, des soins intensifs, qui reçoivent les cas qui ont mal tourné, et du gestionnai­re des coûts de l’hôpital.

La petite entreprise du médecin genevois a tellement bien marché qu’il l’a revendue à une grande compagnie du secteur. «Ces boîtes préfèrent laisser les start-up avancer et les racheter

 ??  ?? Chez Biodesign, on crée des équipes pluridisci­plinaires pour aborder les problèmes sous des angles inédits et leur trouver des solutions innovantes.
Chez Biodesign, on crée des équipes pluridisci­plinaires pour aborder les problèmes sous des angles inédits et leur trouver des solutions innovantes.

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