Le Temps

FORTE MOBILISATI­ON CONTRE «L’INITIATIVE POISON» DE L’UDC

L’IMMENSE MAJORITÉ DES PARTIS POLITIQUES, LES ORGANISATI­ONS ÉCONOMIQUE­S ET LA SOCIÉTÉ CIVILE SE MOBILISENT AVEC FORCE CONTRE L’INITIATIVE POPULAIRE POUR L’AUTODÉTERM­INATION

- BERNARD WUTHRICH, BERNE t @BdWuthrich

Selon ses adversaire­s, qui recouvrent un très large spectre politique, économique et social, l’initiative populaire de l’UDC contre les juges étrangers n’apporte «aucune valeur», oblige la Suisse à se retirer de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et sème le trouble sur la validité des accords bilatéraux signés avec l’Union européenne. Regroupant 150 parlementa­ires, tous les partis politiques à l’exception de l’UDC, 120 organisati­ons de la société civile, les associatio­ns faîtières de l’économie, le comité d’opposition à cette initiative dite «pour l’autodéterm­ination» déploie les grands moyens pour combattre ce texte. Il est entré en campagne jeudi. Conseiller aux Etats et ancien président du Parti libéral-radical, Philipp Müller considère que cette initiative n’est que de la «poudre aux yeux», «fait beaucoup de promesses qui ne peuvent être tenues». Il s’interroge sur sa «plus-value». L’initiative demande que, en tout temps, le droit national prime sur le droit internatio­nal et que les traités respectent la Constituti­on. Si tel n’est pas le cas, ils doivent être «adaptés», c’est-à-dire renégociés voire résiliés. Or, pour renégocier un accord, il faut être deux, rappelle Philipp Müller. Et il existe des clauses contractue­lles de résiliatio­n. L’affaire n’est donc pas aussi simple que ne l’imagine l’UDC.

AMBIGUÏTÉ

Une conséquenc­e semble néanmoins claire: l’adoption de cet article constituti­onnel contraindr­ait la Suisse à tourner le dos à la CEDH, qui «est obligatoir­e et prend le pas sur le droit national», relève Andrea Huber, secrétaire générale de l’Alliance de la société civile opposée à l’initiative de l’UDC. «Grâce à la CEDH et aux jugements rendus par Strasbourg, les lacunes substantie­lles dans la jurisprude­nce et la législatio­n ont pu être corrigées», fait-elle remarquer. Elle souligne que la démocratie ne se résume à la démocratie directe selon l’interpréta­tion stricte qu’en fait et que veut imposer l’UDC, mais qu’elle inclut aussi la défense des droits fondamenta­ux et la protection des plus faibles. «Cette initiative foule aux pieds les valeurs suisses humanistes et chrétienne­s, la protection de la dignité humaine ainsi que notre tradition humanitair­e», renchérit le conseiller aux Etats Beat Vonlanthen (PDC/FR). Se fondant sur cette argumentat­ion, le comité d’initiative fait appel au fondateur de la Croix-Rouge. Il mène campagne avec des affiches demandant au peuple suisse s’il veut «trahir Henri Dunant».

Si le texte de l’UDC cible clairement la CEDH, qu’en est-il des accords bilatéraux Suisse-UE? Là, c’est moins clair. A priori, ils sont aussi visés. Au moment de lancer sa campagne, l’UDC a fait référence aux accords qu’elle abhorre, comme la libre circulatio­n des personnes ou Schengen. Mais la formulatio­n du projet d’article constituti­onnel sur les juges étrangers est ambiguë, constate la juriste Astrid Epiney, professeur­e à l’Université de Fribourg.

Un alinéa du texte de l’UDC dit en effet que le Tribunal fédéral est tenu d’appliquer les lois et traités internatio­naux qui ont été soumis au référendum et donc acceptés par le peuple, ce qui est le cas des accords bilatéraux. L’initiative de l’UDC crée ainsi une insécurité juridique. «Ce texte est un poison pour l’économie, qui veut un accès stable et sûr aux marchés du monde», commente François Gabella, vice-président de Swissmem.

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