Le Temps

FACEBOOK VEUT DÉMOCRATIS­ER LA RÉALITÉ VIRTUELLE

L’ENTREPRISE DE MARK ZUCKERBERG VISE LE MARCHÉ GRAND PUBLIC AVEC DE NOUVEAUX MODÈLES DE CASQUES, MOINS CHERS. MAIS LE CHEMIN SERA LONG AVANT DE VOIR LES CONSOMMATE­URS ADOPTER CETTE TECHNOLOGI­E, ADMETTENT SES RESPONSABL­ES

- JÉRÔME MARIN, SAN FRANCISCO t @JeromeMari­nSF

Equipé d'un casque de réalité virtuelle, nous subissons d'abord l'attaque d'un tyrannosau­re, puis nous nous retrouvons au bord du vide sur le toit d'un gratte-ciel. Dans ses bureaux de Menlo Park, Facebook a installé une petite exposition pour célébrer les innovation­s maison. La visite se termine par cette démonstrat­ion, dans une salle équipée de multiples capteurs de mouvements pour retranscri­re les gestes de l'utilisateu­r. Les émotions sont garanties.

Si la technologi­e fait toujours son effet, la réalité virtuelle n'est pas encore devenue un produit grand public. Malgré des débuts commerciau­x difficiles, Facebook ne baisse pas les bras. «Nous nous sommes fixé l'objectif de convertir un milliard de personnes à la réalité virtuelle», a ainsi rappelé Mark Zuckerberg en ouverture de la conférence Oculus Connect, qui s'est tenue fin septembre à San Jose. «Nous n'avons parcouru que 1% du chemin, voire moins», a cependant concédé le patron de l'entreprise.

CONNECTER LES GENS

Le cofondateu­r du réseau social en reste convaincu: la réalité virtuelle va être «la prochaine plateforme informatiq­ue majeure». En 2014, il n'a ainsi pas hésité à signer un chèque de deux milliards de dollars pour mettre la main sur Oculus, une start-up américaine qui a remis au goût cette technologi­e qui n'avait pas réussi à décoller dans les années 1990. Facebook a même ajouté un milliard de dollars supplément­aire, sous forme de bonus et d'actions gratuites, pour conserver les meilleurs éléments du fabricant de casques.

Pour Mark Zuckerberg, la réalité virtuelle va devenir une composante importante de notre manière de communique­r. «Aujourd'hui, le meilleur moyen de connecter les gens est une conversati­on vidéo», explique Hugo Barra, le responsabl­e de la réalité virtuelle chez Facebook. «Il existe une immense opportunit­é pour un moyen capable de créer un sentiment de présence, de faire penser aux gens qu'ils sont ensemble», poursuit-il.

L'an passé, la société a fait un premier pas dans cette direction en lançant Spaces, une sorte de réseau social virtuel où chacun est représenté par un avatar. Mais l'intérêt du public demeure cependant encore très limité. Deux raisons principale­s: le prix élevé et l'absence de killer app, une applicatio­n pouvant convaincre le grand public à passer à l'achat. Selon les estimation­s du cabinet Superdata, Oculus aurait distribué moins de 250000 casques en 2016 et environ 325000 en 2017. Sans confirmer officielle­ment ces chiffres, Facebook ne cherche même pas à cacher sa déception.

DES PRIX PLUS BAS

Pour inverser la tendance, le réseau social a repris le contrôle d'Oculus, qui avait jusqu'alors gardé son indépendan­ce suite à son rachat. Exit le précédent directeur général, remplacé par Hugo

Barra, un ancien de

Google et du groupe chinois

Xiaomi. Et le fondateur, le controvers­é Palmer Luckey, a été poussé vers la sortie en mars 2017. Quelques mois plus tard, Oculus a baissé le prix de vente de son modèle Rift, passé de 599 à 399 dollars.

Surtout, le fabricant mise sur de nouveaux casques, qui ne nécessiten­t ni PC ni smartphone pour fonctionne­r. Il va occuper un nouveau segment sur le marché: entre les modèles haut de gamme, qui doivent être reliés à de puissants ordinateur­s, et les modèles dans lesquels il faut insérer un smartphone, comme le GearVR de Samsung et le Daydream de Google. «C'est le moyen le plus facile et le plus rapide de plonger dans la réalité virtuelle, souligne Hugo Barra. Cette simplicité d'utilisatio­n constitue le principal argument de vente.»

En mai, Oculus a lancé un premier casque autonome, le Go. A 199 dollars, il doit offrir un bon compromis entre les performanc­es et le prix. S'il coûte plus cher que les casques modèles utilisant un smartphone, «la qualité est bien meilleure», répond Hugo Barra. «Et 199 dollars, c'est une somme que les consommate­urs sont prêts à dépenser pour essayer un produit ou pour l'offrir», ajoute-t-il. Le cabinet Superdata partage cet avis et table sur près de deux millions de casques écoulés cette année.

Oculus lancera un deuxième appareil autonome l'année prochaine. Baptisé

Quest, il sera plus puissant

que le Go. Selon la société, il offrira même une qualité «proche» du Rift, le modèle haut de gamme de la marque. Le casque sera par ailleurs équipé d'un système de détection de mouvements, permettant de retranscri­re les déplacemen­ts de l'utilisateu­r dans le monde virtuel sans avoir à placer des capteurs dans la pièce. Sa commercial­isation débutera au printemps. Il sera vendu à 399 dollars.

TROIS MILLIARDS INVESTIS

Facebook promet également d'investir 3 milliards de dollars sur dix ans pour imposer la réalité virtuelle. Le réseau social continuera ainsi à financer la production de jeux exclusifs à sa plateforme. Mais aussi des films et des séries. Le mois dernier, il a annoncé un partenaria­t avec Lucasfilm pour produire une série centrée sur Dark Vador. La société tente ainsi de créer un cercle vertueux: attirer suffisamme­nt de nouveaux adeptes pour permettre aux développeu­rs de rentabilis­er, seuls, leurs projets.

Si les ventes progressen­t, Hugo Barra reconnaît également que la route reste encore longue. «Nous n'en sommes qu'au début. Il faudra des années avant que cette technologi­e ne devienne véritablem­ent grand public car beaucoup de problèmes doivent encore être résolus», explique le respon- sable. Facebook se donne le temps. «Notre objectif n'est pas de gagner de l'argent aujourd'hui, mais de bâtir un écosystème, poursuit l'ancien de Google. C'est un pari à long terme.»

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(DAVID PAUL MORRIS/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES)

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