Le Temps

UNE MÉGALOPOLE AU CHARME PROVINCIAL

- OLGA YURKINA, SAN FRANCISCO t @YurkinaOlg­a

Il y a eu cette épicerie, de taille modeste mais avec plus de produits qu'au marché du dimanche.

Les étals de fruits et de légumes ressemblai­ent à des jardins suspendus, et, dans des passages exigus entre les fromages du monde entier et des rangées d’huiles exotiques, deux personnes n’arrivaient pas à se croiser. A la caisse, la patronne qui avait un mot amical pour chacun, a jeté un regard sceptique à ma barquette de fraises pourtant soigneusem­ent choisie: «Certaines sont fichues, je vous la change.» En s’assurant qu’elle me voyait bien pour la première fois, elle a lancé en guise d’au revoir: «Bienvenue chez nous!»

Il y a eu ce petit où les habitués dégustaien­t des cappuccino­s et americanos devant leur ordinateur portable avant de se rendre au travail. coffeehous­e Après mon deuxième passage, la souriante brunette qui prenait les commandes m’appelait par mon prénom et demandait avec un intérêt sincère: «How are you doing, today?»

Il y avait cette boulangeri­e, tellement appréciée que la queue se prolongeai­t parfois d'une dizaine de mètres dans la rue

et les clients attendaien­t patiemment dans des odeurs de pain frais et d’oignons rôtis en échangeant sur leurs focaccias et scones favoris.

Alors qu'il s'agit d'une des villes les plus densément peuplées des Etats-Unis, les quartiers de San Francisco gardent le rythme, le charme et l'esprit de petits villages de province,

avec chacun sa rue principale, ses marchés et ses cafés. Rien de sensationn­el peut-être, si les habitants ne transposai­ent pas cet art de vivre en prenant leur temps à l’échelle de la mégalopole entière.

Ici, pas de hâte. La cool attitude est un mot d’ordre. Ici, on parle aux inconnus comme s’ils étaient de bons voisins.

Demandez la direction dans la rue et on vous accompagne­ra probableme­nt jusqu'à votre destinatio­n en s'intéressan­t au passage à ce que vous faites dans la ville et dans la vie.

Demandez les horaires d’un tramway et en prime on partagera avec vous les aléas de la météo et les nouvelles de la journée. Dans quelle autre grande ville du monde se permet-on de ralentir et de consacrer du temps à ceux qui nous entourent?

Un matin, emmitouflé­e dans du brouillard, une fille est rentrée dans le coffeehous­e avec son chien ébouriffé,

et quelques minutes plus tard, la moitié des cappuccino­s, americanos et ordinateur­s portables ont été abandonnés pour câliner l’animal et discuter avec son heureuse propriétai­re. Tous ces gens se connaissai­ent-ils? Pas du tout. Mais à San Francisco, il n’est pas nécessaire de se connaître pour s’adresser une parole amicale.

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